Parachat Béhaalotékha – 5777
Yéhouda Moshé Charbit
Parachat Béhaalotékha. Pour télécharger le fichier correspondant : Télécharger “Divré Torah Parashat Béhaalotékha - 5777 - Y. M. Charbit” be-ha-alote-kha-5777.pdf – Téléchargé 413 fois – 301,01 Ko
Nous vous recommandons vivement le site de Y. M. Charbit : Yamcheltorah
בס״ד
Pour l’élévation de l’âme Yéhouda Ben David Lalou ainsi que ‘Hanna bat Esther.
Pour la réfoua shéléma de Yitshak Ben Chimone.
Résumé de la Parasha
La paracha de Béhaaloté’ha débute par un rappel des règles concernant la ménorah ainsi que par l’investiture des Lévis dans le rôle saint d’accompagnement des Cohanim dans leur fonction envers Hachem. La Torah relate ensuite le premier sacrifice de Pessa’h qui a lieu dans le désert, la deuxième année après la sortie d’Égypte, en précisant les règles que devra suivre la personne n’ayant pu offrir cette offrande à temps. Par la suite, ce sont les détails des voyages des bné-Israël qui sont énumérés en indiquant la manière qu’avait le peuple de se déplacer. La paracha raconte ensuite comment les bné-Israël ont commis la faute de s’éloigner d’Hachem et de réclamer ardemment de la viande. Les conséquences de ces fautes furent rapides. Hakadoch Baroukh Hou enflamme sa colère contre le peuple, en brûle une partie, et envoie des cailles en quantité incroyable! La paracha se conclut par la médisance émise par Myriam à l’encontre de son frère Moshé après qu’il ait divorcé de sa femme par nécessité pour le service d’Hachem. En conséquence de cette médisance, Myriam est frappée par la peste durant sept jours.
Dans le chapitre 11 de Bamidbar, la torah dit :
כו/ וַיִּשָּׁאֲרוּ שְׁנֵי–אֲנָשִׁים בַּמַּחֲנֶה שֵׁם הָאֶחָד אֶלְדָּד וְשֵׁם הַשֵּׁנִי מֵידָד וַתָּנַח עֲלֵהֶם הָרוּחַ, וְהֵמָּה בַּכְּתֻבִים, וְלֹא יָצְאוּ, הָאֹהֱלָה; וַיִּתְנַבְּאוּ, בַּמַּחֲנֶה׃
26/ Deux de ces hommes étaient restés dans le camp, l’un nommé Eldad, le second Médad. L’esprit se posa également sur eux, car ils étaient sur la liste, mais ne s’étaient pas rendus à la tente; et ils prophétisèrent dans le camp.
כז/ וַיָּרָץ הַנַּעַר, וַיַּגֵּד לְמֹשֶׁה וַיֹּאמַר: אֶלְדָּד וּמֵידָד, מִתְנַבְּאִים בַּמַּחֲנֶה׃
27/ Un jeune homme courut l’annoncer à Moshé, en disant: « Eldad et Médad prophétisent dans le camp. »
כח/ וַיַּעַן יְהוֹשֻׁעַ בִּן–נוּן, מְשָׁרֵת מֹשֶׁה מִבְּחֻרָיו—וַיֹּאמַר: אֲדֹנִי מֹשֶׁה, כְּלָאֵם׃
28/ Alors Yéhochoua Bin Noun, serviteur de Moshé depuis sa jeunesse, prit la parole et dit: « Mon maître Moshé, enferme-les! »
כט/ וַיֹּאמֶר לוֹ מֹשֶׁה, הַמְקַנֵּא אַתָּה לִי; וּמִי יִתֵּן כָּל–עַם יְהוָה, נְבִיאִים—כִּי–יִתֵּן יְהוָה אֶת–רוּחוֹ, עֲלֵיהֶם׃
29/ Moshé lui répondit: « Tu es bien zélé pour moi! Ah! Plût au Ciel que tout le peuple de Dieu se composât de prophètes, qu’Hachem fit reposer son esprit sur eux! »
Le cas d’Eldad et Médad est intéressant. La lecture de ce passage est relativement troublante dans la mesure où, la torah n’explique pas nécessairement les conditions qui aboutissent au récit qu’elle fait. À la première lecture, il nous est même difficile de comprendre pourquoi la torah traite-t-elle de ce sujet. Pourquoi Yéhochoua veut-il les enfermer pour une simple prophétie ? Quelle était la prophétie en question ? Plus encore, qui sont ces deux hommes pour que la torah s’arrête sur leur histoire ?
Comme chacun le sait, la torah ne perd pas son temps en récit stérile et la présence de celui-ci requiert donc réflexion.
Commençons par remettre les choses dans leur contexte. Ce passage fait suite à la requête de Moshé d’obtenir du renfort pour gérer les bné-Israël. Hachem étend alors le pouvoir prophétique de Moshé sur soixante-dix anciens. Suite à ce processus, la torah nous raconte l’histoire de ces deux hommes. Il faut comprendre qu’il ne s’agit pas de n’importe qui. Nos sages dévoilent qu’il s’agit en fait des demis frères de Moshé. En effet, le Targoum Yéhonathan Ben Ouziel (chapitre 11,verset 26) explique que lors du décret de mise à mort des nouveaux-nés mâles en Égypte, ‘Amram, le père de Moshé, s’est momentanément séparé de Yo’héved sa femme. Durant ce laps de temps, cette dernière s’est unie à Élitsafane, avec qui elle a donné naissance à ces deux hommes. Certains ne sont pas d’accord, et pensent qu’il s’agissait non pas des enfants de Yo’héved, mais plutôt de ceux d’Amram (cf daat zékénim mibaalé hatosfot, sur le verset 27)). Quoiqu’il en soit, ces deux hommes sont bien de la famille de Moshé.
Le commentaire du Targoum Yéhonathan Ben Ouziel poursuit son développement et décrit la prophétie énoncée par les deux hommes : « Éldad prophétisait et disait : Voici que Moshé va quitter le monde et Yéhochoua Bin Noune, le serviteur du camp, va se tenir à sa place et diriger Israël afin de les faire entrer dans la terre de Canaan et de les en faire hériter . Médad prophétisait et disait : voici que les cailles montent de la mer et recouvrent tout le camp d’Israël et seront pour le peuple une destruction. Ensuite, les deux prophétisaient conjointement et disaient : voici qu’un roi va monter de la terre de Magog à la fin des temps et réunir les autres rois et les princes de guerre vêtus de leurs armures et tous les peuples l’écouteront et déclareront la guerre sur la terre d’Israël contre les exilés. Cependant, le Maître (du monde) se tient avec eux durant leur douleur et tue tous (les ennemis d’ISraël) en brûlant leurs âmes avec les flammes issues du dessous de Son trône, faisant tomber leur cadavre sur les montagnes d’Israël. Ensuite, Il fera revivre tous les morts d’Israël et les fera profiter de la montagne qui leur a été cachée depuis le début et ainsi, ils recevront le salaire pour leurs actes. »
Ce commentaire tire sans doute sa source de la discussion évoquée par nos sages (traité sanhédrin, page 17a). Toutefois, dans cette dernière, les trois informations relatées par le targoum, sont l’opinion respective de trois maîtres. Tandis que, d’après ce que nous venons de voir, il s’agit d’une seule grande prophétie qui englobe les trois avis. Ce qui intrigue, c’est le lien entre chaque information. Puisque le Targoum Yéhonathan Ben Ouziel évoque cela comme une seule prophétie, cela insinue qu’il s’agit d’une seule grande information et non pas de trois différentes. Or, il paraît compliqué de comprendre en quoi ces trois choses sont liées entre-elles. À priori, la mort de Moshé, n’a rien à voir avec la sanction du peuple par les cailles, ni avec la guerre de la fin des temps. Quelle est donc l’information réelle de cette prophétie ?
Tentons d’approfondir.
Le Chem Michmouël (sur notre paracha, année 670) cite la guémara (traité yoma, page5b) expliquant que Moshé est amené à faire entrer les hébreux en Israël à la fin des temps. Cette affirmation soulève un problème. Il est écrit dans le Zohar que la grandeur de Moshé Rabbénou supplante celle de la terre d’Israël, ce qui explique pourquoi il ne pouvait y entrer. Moshé n’est pas compatible avec une terre d’Israël dont le niveau est trop faible. Dès lors, comment comprendre qu’il y entre à la fin des temps ?
Il faut avoir à l’esprit que la sainteté de Moshé est telle qu’elle dépasse celle de plusieurs catégories d’anges. Moshé est parvenu à raffiner son être au travers de ses efforts au point d’atteindre une expression spirituelle parfaite. C’est pourquoi, la manne descendait dans le camp des hébreux par son mérite. Cette nourriture spirituelle ne pouvait se manifester que par le biais d’un homme parfaitement spirituel. Cela met en relief la demande du peuple, dans le passage qui précède le nôtre. Les bné-Israël se plaignent de la manne et réclament une nourriture plus normale, plus matérielle. En clair, le peuple s’éloigne de l’état de Moshé et exprime un matérialisme exacerbé. C’est là que se crée une incohérence. La manne avait pour objectif d’aligner le régime du peuple sur celui de Moshé. Plus précisément, en maintenant une nourriture spirituelle durant tout leur périple dans le désert, les bné-Israël avaient l’opportunité d’effacer leur matérialité pour ressembler à Moshé rabbénou. Ils seraient alors retournés à l’expression de l’homme originelle, celle d’Adam Harichone avant qu’il ne faute. Leur corps serait devenu lumineux à l’image du visage de Moshé rabbénou ou encore d’Adam. Cet état leur aurait permis d’évoluer dans les mêmes conditions que celles d’Adam, à savoir de vivre dans un lieu où le spirituel prime sur le matériel, le refoulant à une catégorie de moindre importance. Il s’agirait d’un gan eden terrestre. Et justement, tel aurait été l’état d’Israël, si les hébreux avaient maintenu leur état à une nourriture spirituelle. La terre à laquelle le peuple correspondrait aurait dû être elle aussi du même calibre. Israël se serait manifestée dans toute sa splendeur et sa grandeur aurait alors été compatible avec Moshé.
Ceci justifie l’intervention d’Eldad et Médad qui cherchent à expliquer aux bné-Israël l’erreur qu’ils viennent de commettre en critiquant la manne. Nous pouvons alors comprendre la relation entre les trois prophéties. Puisque les bné-Israël se distinguent de Moshé et ne suivent plus le même régime que lui, ils perdent alors l’espoir d’exprimer un niveau spirituel hors norme. Ceci a un impact immédiat sur l’état de la terre qu’ils vont trouver, un état bien plus faible que ce qu’ils auraient dû avoir, un état compatible avec eux mais inadapté à Moshé. Forcément, Moshé ne peut vivre dans ce pays et s’en verra refuser l’entrée au profit de Yéhochoua. En clair, les deux premiers points de la prophétie énoncent la cause et la conséquence. À cause de leur requête contre le manne, lorsque le peuple va réclamer la viande et recevoir la caille, Moshé ne pourra plus les accompagner en Israël. Or, si Moshé était entré dans la terre, alors il ne serait jamais mort, il aurait bâti un beth hamikdach éternel. En se détachant du joug divin, les bné-Israël repoussent Moshé et créent une force négative, celle de Gog le roi de Magog qui symbolise ce refus, ce détachement. L’absence de Moshé provoque l’existence de Gog !
Nous pourrions toutefois nous demander pourquoi Moshé est impacté par l’attitude des bné-Israël ? Certes, ils ont baissé en niveau, mais lui s’est maintenu. Pourquoi devrait-il mourir ?
Peut-être pouvons-nous trouver une réponse dans le verset (chapitre 11, verset 14) : « Je ne puis, moi seul, porter tout ce peuple: c’est un faix trop pesant pour moi ». La formulation du verset « trop pesant pour moi » rappelle étrangement ce que nos sages ont expliqué concernant le don de la torah, lorsqu’à son retour, Moshé voit le veau d’or et brise les tables de la loi. Nos maîtres expliquent qu’en étant face à l’idolâtrie, les lettres inscrites sur les tables se sont enfuies. Ces dernières soutenaient le poids des tables, leur départ fait donc peser toute cette charge sur les épaules de Moshé, contraint de les briser. En clair, comme dans le cas ici présent, la charge est devenue trop grande pour Moshé !
Cette corrélation n’est pas anodine. En effet, le Chlah Hakadoch remarque qu’à deux reprises Moshé a formulé une phrase au conditionnel, en s’adressant à Hachem. La première fois justement concerne le veau d’or, lorsque pour sauver le peuple, Moshé se met en péril et dit à Hachem qu’en cas de destruction des bné-Israël, il ne voulait plus figurer dans la torah. Bien que le peuple ait finalement été épargné, nos sages remarquent que Moshé ne figure pas dans une paracha entière, celle de tétsavé. Ceci s’explique par le fait que même au conditionnel, les paroles des tsadikim créent une réalité. Moshé assume donc d’être mis en retrait dans une section entière de la torah. La seconde fois où Moshé agit de la sorte se trouve justement dans notre paracha lorsqu’il dit (verset 15) « Si tu me destines un tel sort, ah! Je te prie, fais-moi plutôt mourir, si j’ai trouvé grâce à tes yeux! Et que je n’aie plus cette misère en perspective! ». Cependant, dans ce cas précis le Chlah Hakadoch explique que l’attitude de Moshé est différente, Moshé ne se sacrifie pas, il se plaint ! De fait, lors de la première occurrence, Hachem prend en compte les raisons de Moshé et n’applique pas sa requête au pied de la lettre. Moshé n’est effacé que d’un passage et non de toute la torah. Par contre, dans notre cas précis, Moshé n’a plus d’argument, il critique et se plaint. Dès lors, Hachem le prend au mot et lui accorde sa formulation : Moshé devra mourir !
C’est justement là que se crée une relation entre l’attitude des bné-Israël et celle de Moshé. Le peuple se plaint de ne plus pouvoir supporter une vie purement spirituelle et par là, il se distingue de Moshé. Pour sa part, Moshé dit (verset 13) « Où trouverai-je de la chair pour tout ce peuple ». Que signifie cette phrase ? Les bné-Israël n’avaient-ils pas des troupeaux pour manger de la viande ? Moshé insinue par là, son incompatibilité avec la viande, plus précisément il exprime son refus de vivre dans une sphère matérielle, son refus d’être comme ce que le peuple veut être ! À son tour, Moshé se détache du peuple ! Plus encore, il ajoute « fais-moi plutôt mourir, ». En clair, Moshé approuve volontairement que la conséquence de cet écart entre lui et le peuple se traduise par sa mort ! C’est justement ce qu’il se passe lorsqu’il dit « c’est un faix trop pesant pour moi ». Il explique par là que dorénavant, il ne peut plus supporter la charge du peuple comme il ne pouvait plus supporter les tables après le départ des lettres caractérisant leur sainteté. Maintenant que le peuple baisse spirituellement, Moshé atteste qu’il ne peut plus les pousser, les porter sur ses épaules. Par ce fait, il approuve sa propre mort.
Cela nous permet de comprendre la réponse de Moshé à Yéhochoua lorsque ce dernier réclame l’enfermement d’Eldad et Médad. Après tout, qu’avaient-ils fait de mal ?
En réalité, il semble qu’aux yeux de Yéhochoua, les deux hommes aient transgressé la halakha en énonçant cette prophétie. En effet, un prophète ne doit annoncer que ce qui concerne le peuple en général et non les cas particuliers, à part si Hachem le lui demande. Plus précisément, Yéhochoua estime que l’état prophétique d’Eldad et Médad leur a permis d’entrevoir le futur, mais qu’ils n’avaient pas à le dévoiler publiquement. D’où sa requête.
Moshé lui explique alors que la prophétie qu’ils énoncent concerne en effet les bné-Israël et qu’il était justifié de la dire en public. L’objectif de leur démarche était de critiquer le peuple pour ce qu’il venait de perdre, pour l’état qu’il aurait dû maintenir. D’où la conclusion de leur prophétie, lorsqu’ils parlent de Gog et de la guerre de la fin des temps lors de laquelle Hachem se manifestera dans le monde. En ce sens Moshé répond à Yéhochoua (verset 29) : « Ah! Plût au Ciel que tout le peuple de Dieu se composât de prophètes, que l’Éternel fit reposer son esprit sur eux! ». De quoi parle-t-il ?
Le Malbim explique qu’à la différence de tous les autres anciens sélectionnés par Moshé, le niveau prophétique atteint par les deux frères était intrinsèque. Plus précisément, tous les anciens jouissent des qualités de Moshé, ils prophétisent parce que Moshé les a alimentés et leur en a donné les moyen. La prophétie de Moshé irrigue tous les autres prophètes. À l’exception d’Eldad et Médad ! Ces deux hommes parviennent à prophétiser d’eux-mêmes, sans être accompagnés du pouvoir de Moshé. Sur cela, Moshé dit à Yéhouchoua (verset 29) : « Ah! Plût au Ciel que tout le peuple de Dieu se composât de prophètes, que l’Éternel fit reposer son esprit sur eux! », à savoir qu’il espère que le peuple parvienne à atteindre le même niveau, un niveau attendu à la fin des temps pour qu’Hachem se manifeste ! Car, dès lors, leur état indique aux bné-Israël comment réparer leur erreur et retourner au niveau parfait de spiritualité. Ce niveau est celui qui entrera en correspondance avec Moshé et lui permettra de fouler la terre sainte en repoussant définitivement Gog !
Yéhi ratsone que les bné-Israël puissent revenir rapidement à cet état de pureté et d’adhésion absolue à Hakadoch Baroukh Hou.
Chabbat chalom.