Divré Torah Parashat Balak – 5778 Y. M. Charbit
Parashat Balak
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בס״ד
PARASHAT Balak
PARACHAT BALAK
Après les victoires d’Israël contre Og le roi de Bachane et Si’hone le roi d’Émorie, qui étaient les deux puissances locales, Balak roi de Moav comprend qu’il ne fera jamais le poids contre ce peuple. C’est pourquoi il envoie des émissaires auprès de Bilaam, connu pour sa grande capacité à maudire, afin de le charger de l’aider. Balak espérait que Bilaam, par ses malédictions, puisse créer une faille dans le peuple, qui lui permettrait de prendre l’ascendant sur lui. Sur ordre d’Hachem, Bilaam refuse la proposition de Balak. Cependant, le roi de Moav insiste et envoie un second groupe d’émissaires afin de convaincre Bilaam. À cette seconde initiative, Hachem laisse la possibilité à ce dernier de choisir ce qu’il ferait et celui-ci décide d’accepter la proposition de Balak. Avec empressement, Bilaam rejoint Balak afin de pouvoir maudire le peuple d’Israël. Sur sa route, un ange perturbe le passage de son ânesse par trois reprises, au point de provoquer la colère de Bilaam qui la frappe. L’animal se met miraculeusement à parler afin de justifier son attitude. C’est alors qu’apparaît l’ange devant Bilaam et le réprimande pour son attitude. Inquiet, Bilaam feint de faire téchouva mais s’obstine finalement à partir maudire le peuple. Toutefois, Hachem aimant son peuple, ne le laisse pas agir à sa guise. Effectivement, par trois reprises, Bilaam demande à Balak de lui ériger sept autels sur lesquels il offrirait sept bœufs et sept béliers à Hachem afin qu’Il lui apparaisse et qu’il tente de maudire les bné-Israël. Toutefois, chaque fois qu’il voulait maudire le peuple, des bénédictions sortaient de sa bouche! Déçu de la prestation de Bilaam, Balak le renvoie. Avant de le quitter, Bilaam donne un ultime conseil à Balak. Il lui suggère de faire fauter le peuple par les femmes, car le D.ieu d’Israël a l’immoralité en abomination. Balak s’exécute et le peuple s’adonne à l’immoralité avec les filles de Moav qui les poussent même à l’idolâtrie. La colère de Hachem s’enflamme sur le peuple et une épidémie dévastatrice s’abat sur ce dernier. Afin d’arrêter l’épidémie, Hachem enjoint Moshé à tuer tous les fauteurs. Ce n’est que lorsque Pin’has prit l’initiative d’abattre Zimri, qui fautait en publique, que l’épidémie prit fin emportant avec elle 24 000 victimes.
La paracha commence par les versets suivants:
ב/ וַיַּרְא בָּלָק, בֶּן-צִפּוֹר, אֵת כָּל-אֲשֶׁר-עָשָׂה יִשְׂרָאֵל, לָאֱמֹרִי׃
2/ Et il vit, Balak fils de Tsipor, tout ce qu’avait fait Israël à l’Émoréen.
ג/ וַיָּגָר מוֹאָב מִפְּנֵי הָעָם, מְאֹד–כִּי רַב-הוּא; וַיָּקָץ מוֹאָב, מִפְּנֵי בְּנֵי יִשְׂרָאֵל׃
3/ Moav fut très effrayé à cause du peuple, car il était nombreux, et Moav fut dégouté à cause des bné-Israël.
ד/ וַיֹּאמֶר מוֹאָב אֶל-זִקְנֵי מִדְיָן, עַתָּה יְלַחֲכוּ הַקָּהָל אֶת-כָּל-סְבִיבֹתֵינוּ, כִּלְחֹךְ הַשּׁוֹר, אֵת יֶרֶק הַשָּׂדֶה; וּבָלָק בֶּן-צִפּוֹר מֶלֶךְ לְמוֹאָב, בָּעֵת הַהִוא׃
4/ Moav dit aux anciens de Midiane: Maintenant l’assemblée va lécher tout ce qui est autour de nous comme le boeuf lèche l’herbe du champ ; or Balak était roi de Moav à cette époque.
ה/ וַיִּשְׁלַח מַלְאָכִים אֶל-בִּלְעָם בֶּן-בְּעֹר, פְּתוֹרָה אֲשֶׁר עַל-הַנָּהָר אֶרֶץ בְּנֵי-עַמּוֹ–לִקְרֹא-לוֹ: לֵאמֹר, הִנֵּה עַם יָצָא מִמִּצְרַיִם הִנֵּה כִסָּה אֶת-עֵין הָאָרֶץ, וְהוּא יֹשֵׁב, מִמֻּלִי׃
5/ Il envoya des messagers à Bilaam, fils de Béor à Péthore qui est près du fleuve du pays des gens de son peuple pour l’appeler en disant: Voici, un peuple est sorti d’Égypte; voici qu’il a couvert l’oeil de la terre et il réside en face de moi.
Notre paracha commence par définir les raisons qui ont poussé Balak à s’opposer à Israël. Le premier verset précise ainsi, qu’ « il a vu… ». La torah insiste donc sur le fait que Balak ait analysé le peuple et dans le constat qu’il va en faire, une chose l’inquiète. La suite du verset dont nous parlons précise cette chose, il s’agit de la victoire des hébreux sur le peuple d’Émorie. C’est pourquoi, il va contacter Bilaam, dans l’espoir de trouver en lui, la force de s’opposer à Israël. Seulement, cette fois-ci, l’argument qu’il avance diffère (verset 5) : « Voici qu’il a recouvert l’oeil de la terre ». Que signifie cette phrase ?
Suite à cela, Bilaam, débordant d’envie de s’en prendre aux juifs, va tenter d’obtenir l’approbation du Maître du monde, qui va dans un premier temps refuser de le laisser partir. Il lui dira alors (verset 12) : « Dieu dit à Balaam: « Tu n’iras point avec eux. Tu ne maudiras point ce peuple, car il est béni! ». Sur cela, Rachi écrit « Tu n’iras pas avec eux : Il répondit : « Dans ce cas, je les maudirai depuis ici ! » [Hachem] répliqua : « Tu ne maudiras pas le peuple ! ». Il rétorqua : « S’il en est ainsi, je vais les bénir ! » Il dit : Ils n’ont pas besoin de ta bénédiction, “car il est béni” ! ‘ »
Que vise Bilaam dans cet échange avec Hachem. Le début de la discussion est cohérent puisqu’il traite de la malédiction. Cependant, le changement d’attitude est aussi brutal qu’irréaliste : devant le refus du Créateur de maudire, il décide au contraire de bénir ?! Que vise réellement Bilaam ?
Tentons une approche au travers d’une réflexion du Chakh sur la plaie de l’obscurité qui a frappé l’Égypte.
Le midrach pose la question suivante : « D’où provient l’obscurité (qui a frappé l’Égypte) ? Rabbi Yéhouda et Rabbi Né’hamia s’opposent sur le sujet. Rabbi Yéhouda dit qu’elle tire sa source des sphères célestes, tandis que Rabbi Né’hamia pense qu’elle provient du Guéhinam »
L’opinion de Rabbi Yéhouda parle d’une obscurité provenant du ciel. Pourtant, cela semble invraisemblable, comment l’obscurité pourrait-elle découler de la sainteté ? Le Chakh explique qu’en réalité il s’agit de la première lumière que le Maître du monde a créée, avant celle que nous connaissons aujourd’hui. En effet, nous constatons que la lumière est le premier élément créé par Dieu. Pourtant ce n’est que bien plus tard, au quatrième jour, que les luminaires apparaissent. La lumière que Dieu crée initialement n’est en fait pas du même ordre que celle que nous côtoyons aujourd’hui. Il s’agit d’une lumière exaltante, reflet d’une sainteté phénoménale, qu’Hachem a jugé incompatible avec les mécréants. C’est pourquoi, à peine fut-elle créée, que déjà le Maître du monde la cache, afin de la réserver aux tsadikim qui mériteront de s’en délecter. Ainsi, pour Rabbi Yéhouda, c’est de cette lumière que la torah parle lorsque l’Égypte est frappée de l’obscurité. La torah fait le choix de parler d’obscurité pour cette lumière céleste car il est impossible de la supporter pour celui qui ne le mérite pas. Ainsi, elle apparaît face à ce type de personne, comme l’obscurité totale, à l’image d’une personne qui tenterait de fixer un jet de lumière et serait ébloui au point de ne plus rien voir ! Pour ceux qui le mérite, au contraire, cette lumière est source de délectation.
Sur cette base, le Sfat Émet (année 632) explique l’attitude de Balak. Nous ne comprenions pas le changement d’explication entre le début de la paracha, qui précise que Balak a vu ce qu’Israël a fait au peuple d’Émorie, et que par la suite, il présente à Bilaam une inquiétude différente : « Voici qu’il a recouvert l’oeil de la terre ». le Sfat Émet nous dévoile qu’il s’agit en fait de la même idée. À savoir, que la grandeur du peuple juif était si manifeste durant leur passage dans le désert, qu’il parvenait à accéder à la lumière céleste, cette fameuse lumière cachée. Ce dévoilement était si intense, qu’une aura émanait du peuple propageant cette lumière à chaque endroit où le peuple se déplace. De sorte, la torah nous dévoile que Balak observait le combat qui opposait Israël à Émorie et ce qu’il constate l’inquiète. De quoi s’agit-il ? « Voici qu’il a recouvert l’oeil de la terre » ! Le roi de Moav s’inquiète, car il voit de l’obscurité partout où le peuple hébreux se déplace ! Comme nous l’avons exposé, la lumière divine ne se manifeste pas de la même façon à chaque personne. Ainsi, comme en Égypte, là où les hébreux bénéficient d’un luminosité étincelante, Balak ne voit plus, il est plongé dans l’obscurité ! Sentant bien la nature de cette lumière, Balak est sous pression, il s’agit d’une lumière dont seuls les hébreux peuvent profiter, ce qui témoigne de la bénédiction dont ils profitent, et du danger qu’ils représentent pour lui. Eux sont bénis et lui est loin d’accéder à cette bénédiction, au contraire, l’inverse semble plus correct et la malédiction est de mise. C’est pourquoi il s’oriente vers Bilaam, afin de maudire le peuple et de tenter de rééquilibrer les choses.
Cela nous amène donc à l’attitude de Bilaam. Nous venons de prouver que seule la malédiction pourrait rendre Israël accessible aux autres peuples. Nos sages précisent que le désir de maudire les hébreux est plus marqué chez Bilaam que chez Balak. Dès lors, il ne cherchera clairement pas à les bénir. Pourquoi alors changer d’avis et demander à Hachem de les bénir ?
Le Ibn Ézra précise un point important, qui mérite d’être analysé. Hachem énonce à Bilaam la raison pour laquelle la malédiction ne prendra pas sur les hébreux : C’est le Maître du monde Lui-même qui les a bénis, la bénédiction est donc parfaite, et la malédiction n’a plus sa place. C’est justement pour cela que Bilaam voulait les bénir, car il cherchait à changer le cadre de la bénédiction. Une bénédiction formulée par Hakadoch Baroukh Hou repousse certes toutes formes de malédiction, cependant, celle prononcée par un homme n’entre clairement pas dans cette catégorie. Si Bilaam parvient à placer la bénédiction des hébreux sous son nom, il les sort de celle d’Hachem. En somme, il cherche à baisser l’intensité positive qui émane des hébreux pour les faire atteindre un niveau à sa portée, là où, de nouveau, il pourra les maudire. La bénédiction de Bilaam serait donc particulièrement néfaste au peuple.
Voyant sa requête refoulée, et ses tentatives échouées, Bilaam, au terme de toutes les bénédictions qu’il formulera au nom d’Hachem, tente une autre approche. Il donne un ultime conseil à Balak avant de le quitter que Rachi (chapitre 24, verset 14) rapporte : « faut que tu fasses. Et quel conseil lui donne-t-il ? Leur Dieu a horreur de la débauche… , comme enseigné dans le traité Sanhédrin (106a). La preuve que c’est Bilaam qui a conseillé de les faire chanceler au moyen de la débauche résulte de ce qu’il est écrit : » Voici, c’est elles qui ont été auprès des fils d’Israël dans la parole de Bilaam » ».
L’efficacité du conseil de Bilaam est d’une violence qui entre en contradiction apparente avec un enseignement de nos maîtres (traité bérakhot, page 7) : « Hachem s’adresse aux bné-Israël et leur dit : sachez combien de bonté J’ai eu à votre égard, car Je ne Me suis jamais »énervé » à l’époque de Bilaam, car si Je M’étais »énervé », il ne serait pas resté de rescapés, parmi les ennemis d’Israël (euphémisme pour qualifier les fauteurs du peuple juif). » Le problème que soulève cette affirmation se trouve justement dans la réussite de la dernière tentative de Bilaam. En effet, la torah recense 24000 morts suite à la faute que le peuple va commettre avec les femmes. Comment affirmer alors, qu’Hachem ne s’est pas mis en colère alors qu’Il punit le peuple ?
Le Gaon de Vilna apporte une réponse basée sur une analyse magistrale du texte (cette réponse est apportée par d’autres rabbanim, cf chaaré aaron, à la fin de notre paracha). Lorsque la torah annonce le nombre de décès, elle dit (chapitre 25, verset 8) :
:וַיִּהְיוּ, הַמֵּתִים בַּמַּגֵּפָה–אַרְבָּעָה וְעֶשְׂרִים, אָלֶף
Ceux qui avaient péri par suite du fléau étaient au nombre de vingt-quatre mille.
Toute personne qui va à la synagogue, sait que la lecture de la torah se fait au travers d’une cantillation précise. Sur le mot « בַּמַּגֵּפָה fléau » intervient, un »atna’h », qui est un signe de pause dont l’objectif est de séparer deux sujets différents. Pour prendre un exemple semblable au nôtre, lors de la mort de l’assemblée d’Israël qui a suivi la révolte de Kora’h, la torah dit (chapitre 17, verset 14) : « Les victimes de cette mortalité furent au nombre de quatorze mille sept cents, outre ceux qui avaient péri à cause de Kora’h. » Dans cette phrase, le « atna’h » intervient sur le mot »cent » car il vient annoncer une autre information différente, dans l’objectif de distinguer les morts de l’épidémie actuelle, de ceux morts avec Kora’h. Cependant, dans notre cas, le « atna’h » intervient de façon inexpliquée, dans une phrase qui ne semble présenter qu’un seul sujet. La réponse se trouve, dans le fait, qu’un autre sujet se cache derrière le sujet principal, validant la présence du « atna’h ». Il s’agit d’insinuer que les personnes sont mortes dans l’épidémie sans pour autant que l’épidémie en soit la cause. À savoir que, comme nous l’avons dit, Hachem ne s’est jamais mis en colère durant cette période. De fait, Il ne voulait pas tuer les hébreux. Cependant, la faute commise nécessite une sanction. Dès lors, Hakadoch Baroukh Hou a retiré des personnes spécifiques : sont morts dans l’épidémie, ceux qui étaient déjà destinés à la mort, sans avoir été punis ! Hachem n’a retiré du monde que les personnes dont l’heure était déjà arrivée !
Combien sont grandes les bontés du Maître du monde envers Son peuple. Puissions-nous toujours profiter de Sa bienveillance et qu’à jamais, Il nous bénisse de tous Ses bienfaits, amen ken yéhi ratsone.
Chabbat chalom.