Divré Torah Parashat Nasso – 5778
Y. M. Charbit
Parashat Nasso
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בס״ד
PARASHAT NASSO
La paracha de Nasso poursuit le dénombrement, en recensant maintenant les fils de Guerchone et de Mérari, et en leur assignant leur part de la tente d’assignation à transporter durant les voyages des bné-Israël. Le camp des bné-Israël étant maintenant organisé, Hachem ordonne de renvoyer toute personne impure de l’enceinte du camp, afin de séparer l’impureté du lieu de résidence de la chekhina. La torah définit ensuite les règles de la femme sotah ainsi que tout le processus que le cohen devra lui faire suivre. Viennent ensuite les règles concernant le nazir, ainsi que les interdits particuliers qui s’ajoutent à sa condition. La paracha se termine par les offrandes qu’apportèrent les Nassi, le lendemain de l’inauguration du michkan durant douze jours consécutifs.
Dans le chapitre 5 de Bamidbar, la torah dit :
יא/ וַיְדַבֵּר יְהוָה, אֶל-מֹשֶׁה לֵּאמֹר׃
11/ Hachem a parlé à Moshé en disant :
יב/ דַּבֵּר אֶל-בְּנֵי יִשְׂרָאֵל, וְאָמַרְתָּ אֲלֵהֶם: אִישׁ אִישׁ כִּי-תִשְׂטֶה אִשְׁתּוֹ, וּמָעֲלָה בוֹ מָעַל׃
12/ « Parle aux bné-Israël et dis-leur: Si la femme de quelqu’un, déviant de ses devoirs, lui devient infidèle;
יג/ וְשָׁכַב אִישׁ אֹתָהּ, שִׁכְבַת-זֶרַע, וְנֶעְלַם מֵעֵינֵי אִישָׁהּ, וְנִסְתְּרָה וְהִיא נִטְמָאָה; וְעֵד אֵין בָּהּ, וְהִוא לֹא נִתְפָּשָׂה׃
13/ si un homme a eu avec elle un commerce charnel à l’insu de son époux, et qu’elle ait été clandestinement déshonorée, nul cependant ne déposant contre elle, parce qu’elle n’a pas été surprise
…
כב/ – וּבָאוּ הַמַּיִם הַמְאָרְרִים הָאֵלֶּה, בְּמֵעַיִךְ, לַצְבּוֹת בֶּטֶן, וְלַנְפִּל יָרֵךְ; וְאָמְרָה הָאִשָּׁה, אָמֵן אָמֵן׃
22/ et que ces eaux de malédiction s’introduisent dans tes entrailles, pour faire gonfler le ventre et dépérir le flanc! » Et la femme répondra: « Amen! Amen! »
La mise en scène que la torah expose de la femme suspectée d’avoir trompé son mari nous amène à réfléchir. Il s’agit de faire boire à la femme en question de l’eau sainte, sortant du Kiyor, cette cuve avec laquelle les cohanim procédaient à l’ablution des mains et des pieds. À cette eau, il est nécessaire d’ajouter de la terre provenant du sol même du michkan. Le mélange de ces deux éléments est ensuite bu par la femme en question permettant un test : si la femme survit, elle est innocente, tandis que sa mort sera la preuve de sa transgression. Que signifie ce procédé ? Pourquoi utiliser de l’eau et de la terre pour tester la culpabilité ou l’innocence de la femme ? Pourquoi le cohen est-il spécifiquement choisi pour accomplir tout le processus ? Certes, il est le seul à pouvoir accomplir le sacrifice, mais la torah ne lui attribue pas cette seule fonction. C’est vers lui exclusivement que la femme doit être présentée et c’est lui qui accomplira toute la manœuvre des eaux. Pourquoi le cohen joue-t-il un rôle si centrale ?
Pour comprendre ce qu’il se passe, il nous faut introduire une notion. Un midrach bien connu enseigne que la lettre aleph (première de l’alphabet) s’est plainte devant Hakadoch Baroukh Hou. Étant la première de toute, elle revendique son droit à être celle par laquelle la création du monde débute. Or, dans les faits, le premier mot de la torah commence par un beth (Béréchit…). Hachem lui répond alors de ne pas s’en faire, car l’intégralité du monde n’a été créée que pour la torah, et bientôt les bné-Israël allaient recevoir cette torah. Lors de ce don, le premier mot qu’entonnera le maître du monde, celui qui se tiendra au sommet des dix commandements sera « אנכי je suis (Hachem ton Dieu…) » qui commence bien par la lettre aleph.
Toutefois, un second midrach semble apporter une approche différence et explique que si le monde n’est pas créé en commençant par la lettre aleph, c’est parce que cette dernière initie le mot « ארורא malédiction », tandis que la lettre beth est celle par laquelle le mot « ברכה bénédiction » commence. C’est pourquoi cette dernière semblait convenir davantage à l’entame de la création du monde.
Ces deux explications de nos sages, bien qu’à priori contradictoires, sont finalement complémentaires. À savoir qu’en effet, la lettre aleph connote la malédiction, mais cela n’est plus vrai une fois que la torah est donnée ! Car par la force de cette dernière, un changement radical s’opère, celui de réparer le mal, celui d’élever le monde au point que Dieu affirme dans le premier midrach qu’une fois la torah donnée, le aleph perdra toute notion de malédiction et atteindra le même niveau de bénédiction que le beth, créateur du monde. Ainsi, le Créateur, ne voulait pas commencer le monde par aleph qui représente le mal, avant que la torah soit donnée, car sans cette dernière, il est impossible de supprimer la malédiction. Mais lorsque la torah fait son apparition dans le monde, alors le aleph supplante le beth, il entame les paroles divines « אנכי je suis (Hachem ton Dieu…) » !
Nous pouvons maintenant comprendre une chose fondamentale sur le rapport de l’eau avec la terre. La terre est celle qui, suite à la faute d’Adam, s’est vue maudire par le Maître du monde, en ces termes : (Béréchit, Chapitre 3)
יז/ וּלְאָדָם אָמַר, כִּי-שָׁמַעְתָּ לְקוֹל אִשְׁתֶּךָ, וַתֹּאכַל מִן-הָעֵץ, אֲשֶׁר צִוִּיתִיךָ לֵאמֹר לֹא תֹאכַל מִמֶּנּוּ–אֲרוּרָה הָאֲדָמָה, בַּעֲבוּרֶךָ, בְּעִצָּבוֹן תֹּאכְלֶנָּה, כֹּל יְמֵי חַיֶּיךָ
17/ Et à l’homme il dit : « parce que tu as écouté la voix de ta femme et que tu as mangé de l’arbre au sujet duquel je t’ai ordonné en disant : tu n’en mangeras pas ; maudite soit la terre à cause de toi, avec peine tu mangeras (les fruits) tous les jours de ta vie .»
Ce qui a engendré cette sanction de la terre est donc le fait que ‘Hava ait fauté. Or, d’après les sources profondes, cette faute que la torah narre sous la forme de la consommation du fruit défendu, tire sa source de la débauche. En effet, Rachi (sur béréchit, chapitre 3, verset 1) explique au nom du midrach rabba (béréchit, chapitre 18, alinéa 6) : « Il les a vus nus et en train d’avoir des rapports à la vue de tous, et il a eu envie d’elle. » La débauche a donc enraciné le mal dans la terre, il convient donc que cette dernière soit présente lorsqu’il s’agit de vérifier l’attitude d’une femme suspectée de débauche.
Partant de ce postulat, la présence de l’eau devient évidente, lorsque nous avons à l’esprit l’enseignement de nos maîtres : il n’y a présence de l’eau que pour symboliser la torah ! L’eau vient donc jouer ici le rôle du remède à la malédiction de la torah qui s’est produite suite à la débauche. Comme nous l’avons vu, la torah a le pouvoir de réparer et supprimer le défaut, de transformer la malédiction en bénédiction. C’est pourquoi cette eau a le pouvoir d’opérer un test radical. De sorte, si la femme en question a en effet fauté, alors la mort sera sa sentence, car suite à la faute d’Adam et ‘Hava, la mort a fait son entrée en scène. Cette femme qui a amplifié la faute de la première femme au lieu de la réparer, se voit frapper d’une mort terrible. À l’inverse, la femme qui n’a pas fauté profite d’une bénédiction directement en relation avec notre propos : elle engendrera dans des conditions différentes de ses précédentes grossesses comme le rapporte Rachi (chapitre 5, verset 28) : « Elle est innocente des eaux porteuses de malédiction. Bien mieux, elle aura une descendance. Si ses accouchements étaient difficiles, ils deviendront faciles… ». Les conditions d’enfantement de cette personne sont améliorées contrastant avec les conditions difficiles que les femmes doivent supporter depuis que ‘Hava a été punie par Hachem.
La faute parallèle à celle d’Adam va nous fournir la raison qui place le cohen au centre du système. Comme chacun le sait, la faute du veau d’or est le pendant historique de celle d’Adam. À juste titre, nous trouvons une attitude ressemblante entre la suite du veau d’or et celle de la sotah.
En effet, Rachi (chémot, chapitre 32, verset 20) explique que lors de la faute du veau d’or, la punition des fauteurs s’est faite sous trois aspects. Les personnes qui ont commis la faute face à des témoins qui les ont mis en garde de l’interdiction, sont mortes par l’épée. Les personnes qui ont agi devant des témoins mais n’ont pas été averties, sont mortes par l’épidémie qui s’est abattue sur le peuple. Et enfin, ceux qui ont fauté sans être repérés par des témoins ont subit une mort par hydropisie. À savoir que Moshé a brûlé le veau d’or et la réduit jusqu’en faire de la poussière qu’il a mélangée à l’eau, avant de la faire boire aux bné-Israël. Ce mélange a agi de la même façon que pour la femme sotah, qui est suspectée d’avoir trompé son mari.
Pourquoi tester les hébreux par les eaux de sotah pour la faute du veau ?
Le Kli Yakar (chapitre 5, verset 17) explique en s’appuyant sur la mékhilta (paracha yitro, ba’hodech, 8) reliant les commandements des deux tables l’un à l’autre. Chaque table contenait cinq commandements, créant un parallèle entre ceux inscrits sur la première et ceux inscrits sur la deuxième table. Une corrélation apparaît alors entre l’interdiction d’idolâtrie évoquée dans le second commandement de la première table et l’interdiction d’adultère, lui aussi en deuxième position dans sa jumelle. Le Kli Yakar justifie cela par une raison évidente. Puisque notre rapport avec Hachem est semblable à celui d’un couple, adorer de faux dieux revient littéralement à tromper le Maître du monde. D’où la faisabilité du test des eaux de sotah.
La conséquence dans ce cas précis est double. Le veau d’or que Moshé dissout dans l’eau est la cause de la destruction de la torah : en sa présence Moshé détruit les tables. De fait, la faute constitue la perversion de la torah pour la personne qui faute. C’est pourquoi, l’eau, symbole de la torah, prend un goût amère dans la bouche de la femme qui a fauté et, reste agréable sur le palais de la femme vertueuse. De même que la torah se trouve atteinte par la faute et reste merveilleuse et source de bénédictions en l’absence de transgression ; de même l’eau s’altère et prend un mauvais goût chez la personne qui faute, tandis qu’elle est agréable et source de bénédictions pour la personne qui se préserve du mal. Mais plus encore, un deuxième point est mis en évidence. Dans le cas du veau d’or, il est un homme qui a lutté contre la faute, qui a tenté de l’éviter et de sauver le peuple, il s’agit d’Aaron, premier cohen qu’Hachem nomme ! Il n’est alors plus surprenant de trouver que la torah accorde à sa descendance le devoir de continuer ce travail et d’être ceux qui agissent sur le pendant de la faute du veau d’or, celle de la débauche.
Une dernière corrélation apparaît. En ce qui concerne le femme qui est suspectée, la torah précise (au verset 22) qu’à deux reprises, la femme devra dire amen. Rabbi Méïr explique (dans la michna) que le premier amen vient pour affirmer qu’elle n’a pas fauté et le deuxième pour affirmer que même par la suite elle promet de ne pas fauter. Sur cela, Rabbi ‘Ovadia Mibarténora ajoute que si plus tard, elle faute, les eaux qu’elle a bues alors qu’elle était innocente, agiront rétroactivement ! En clair, les eaux de sotah sont toujours actives et refusent la transgression sous peine évidente de sanction future. Cette même remarque est également valable pour le veau d’or dont nous payons toujours la faute, puisque Rachi (chémot, chapitre 32, verset 34) écrit : « toutes les fois que Je me souviendrai de leurs fautes, Je me souviendrai un peu de cette faute-ci en plus de leurs autres. Il n’est pas de punition qui frappe Israël qui ne contienne une part de punition pour le veau d’or »
Pourquoi particulièrement pour la faute du veau d’or, la sanction revient dès que nous commettons une nouvelle faute ?
Le Zéra’ Yitshak (sur sotah 2, 5) explique qu’il s’agit des eaux que Moshé a fait boire aux hébreux et dont l’effet est permanent. De même que pour la sotah, si à l’avenir nous fautons, alors les eaux se réveillent et nous frappent !
Une remarque ressort toutefois de cet enseignement. Dans le cas de la sotah, le fait qu’elle boive l’eau ne la concerne qu’elle et ne se transmet pas à sa descendance. De sorte, si ses enfants fautent, ils ne pâtissent pas des eaux qu’elle a bues. Pourquoi alors, le cas du veau d’or s’étend à toutes les générations ?
Une réponse évidente peut être avancée. Dans le cas de la femme, les eaux restent actives tant que le couple est uni. Si le couple se sépare où si le mari meurt, la femme est parfaitement libre de se remarier et ne risque rien à s’unir avec son nouveau conjoint. Les eaux se maintiennent donc tant que le couple reste uni. Il ressort donc dans le cas du veau d’or, que les eaux se doivent d’agir éternellement, même pour les générations qui suivent, car, le couple qu’Israël forme avec le Maître du monde est éternel ! Jamais le lien ne se brisera !
Yéhi ratsone que ce lien se renforce par notre retour auprès de notre Créateur et par l’amour que nous lui portons, amen véamen.
Chabbat chalom.