Parashat Yitro
La Torah selon le Malbim: Les dix paroles
Traduit et adapté par Rav Michael Smadja
Pour télécharger le fichier correspondant : Télécharger “Le Malbim - les 10 Paroles” La-Torah-selon-le-Malbim-les-10-paroles.pdf – Téléchargé 260 fois – 190,39 Ko
Exode, chapitre 20 – verset 1
« et Elokim a dit toutes ces paroles pour dire«
Exode, chapitre 20 – verset 1
« Je suis Hachem ton D-ieu qui t’a fait sortir de la terre d’Égypte, de la maison d’esclavage »
Hachem leur fait savoir qu’il est l’existence même qui génère l’existence et ceci est indiqué par le nom divin « Havaya » le tétragramme qui indique une existence future car il fait exister toute existence qui ne peuvent exister que par la vérité de son existence. Pour cela son nom est « Havaya » qui fait exister toute existence. Ce nom indique aussi qu’il est celui qui précède toute création et qu’il n’y a pas de commencement à son commencement et ceci est enseigné dans son nom « Havaya » qui peut se définir ainsi: « Haya-ové-yiyé = il était, il est et il sera ». Toutes les énergies qui se trouvent dans la création sont générées par Llui étant lui-même L’âme de ces énergies. Et le nom divin « Elokim » fait référence à cette domination sur toutes les énergies créatrices des univers comme ce que nous enseigne le verset: « au commencement Elokim a créé« . Et de ces deux noms nous apprenons que de Lui, sortent les énergies bénéfiques et maléfiques. Le nom « Havaya » génère la clémence et le nom « Elokim » engendre le jugement. Il nous surveille d’une providence particulière comme le nom « Elokim » l’indique du fait qu’il est toujours associé au nom Israël, « Eloké Israël » qui montre le lien particulier qu’il y a entre lui et son peuple. Il montre aussi qu’il dispense le bien et qu’il puni comme il est dit: » ton D-ieu, ton juge ».
Il y a une distinction entre « ani » et « anokhi » [utilisé ici] pour exprimer la première personne du singulier. « Ani » veut donner une information sur sa situation comme dans « ani omed » » je suis debout » et non assis. Alors que le mot « Anokhi » donne une indication sur la personne elle-même comme dans « anokhi omed » « je suis debout » c’est moi et non une autre personne qui est debout comme dans le verset: « Anokhi Essav bekhorékha » « je suis Essav ton aîné », cela vient donner une indication sur l’essence même de la personne et non sur sa situation.
Et donc lorsque le verset s’exprime ainsi: « Anokhi hachem » « Je suis Hachem qui t’a sorti de our kasdim » il vient enseigner que son nom est Havaya. Car ceci, Hachem ne l’avait pas encore bien dévoilé à Avraham alors que maintenant au moment du don de la Torah, il vient enseigner que lui seul est le nom « Havaya » et pas un autre et par cela il exclut tout autre réalité que Llui.
« qui t’a fait sortir de la terre d’Egypte » c’est-à-dire qu’à la sortie d’Égypte se sont dévoilées tous ces dévoilements de D-ieu en même temps: l’existence de D-ieu par le moyen de l’ordre des trois premières plaies comme il est dit dans ces plaies: « afin que tu saches que je suis D-ieu« . Sa surveillance particulière par le moyen de l’ordre des trois plaies suivantes comme il est écrit: « car je suis D-ieu au sein de la terre« . Et qu’il n’y a pas de puissance comme Lui par l’intermédiaire de l’ordre des 4 dernières plaies comme il est dit: « afin que tu saches qu’il n’y a pas comme Moi dans toute la terre« . Et le fait d’écrire: « qui t’a fait sortir de la maison d’esclavage » veut montrer que maintenant vous devenez Ses esclaves à Lui et vous devez vous comporter comme des esclaves qui exécutent Ses commandements et qui gardent Ses préceptes comme tout esclave qui n’a pas d’autre choix que de servir son maître.
Le Rambam dans son livre des Mitsvot considère ce verset comme un commandement positif alors que d’autres commentateurs ne sont pas d’accord, car il n’est pas concevable qu’il puisse y avoir un ordre sans connaître exactement son ordonnateur. Et donc lorsqu’il nous est ordonné de croire en l’existence de D-ieu, nous savons déjà qu’il y a une réalité qui nous ordonne qui ne peut être que D-ieu et si cela est ainsi, la vérité de l’existence de D-ieu précède la Mitsva de croire qu’il existe. En clair nous savons qu’Il existe et pour cela nous aurions l’ordre de croire qu’Il existe?!
Ce n’est pas une difficulté car il est possible d’accepter Son ordre et donc connaître déjà Son existence sans croire qu’Il est celui qui donne vie à la création à tout moment car même les idolâtres avaient aussi des commandements et donc croyaient qu’il y avait un créateur. La Mitsva vient pour nous ordonner de croire qu’il est Le générateur de la création, celui qui impulse l’énergie vitale à tout instant dans la création. Et ainsi explique le Rambam dans ses paroles: il y a une existence première qui créé toute existence et toute créature qu’elle soit dans les cieux ou bien sur terre qui ne peuvent avoir d’existence que par la réalité d’un créateur qui leur donne une existence.
Et s’il te vient à l’esprit de penser que ce créateur n’existe pas, alors aucune autre chose ne peut faire exister la création. Cette existence est le D-ieu éternel et cette connaissance est un commandement positif comme il est dit: « Je suis Hachem ton D-ieu« . Voici que le principe même de la Mitsva est de savoir qu’il y a une réalité qui génère à tout moment la création et ceci englobe tous les détails de la croyance qui sont générés par cette impulsion divine. La Mitsva n’est pas uniquement de croire qu’il y a un créateur qui a émis une impulsion première et qui a créé la création mais que cette impulsion perdure éternellement. Cette croyance englobant toutes les perfections.
De même si nous nous demandons: comment peut-on justifier une Mitsva sur le fait d’avoir une « émouna », de croire, où le choix, le libre-arbitre n’a pas lieu de s’exprimer car la croyance est une notion entière non sujette au choix. Je crois ou je ne crois pas! Mais en observant bien le texte du Rambam, il emploie le mot « connaître » qu’il y a une existence première et cette connaissance est une Mitsva positive, mais il n’a pas dit « de croire » qu’il y a une existence première, pour que cela soit une Mitsva positive. La connaissance veut dire « connaissance intellectuelle » et donc laissant place au choix. C’est ce qui est expliqué dans son livre: « le guide des égarés » sur les deux premières paroles « Je suis » et « il n’y aura pas pour toi » qui sont émises par D-ieu lui-même c’est-à-dire que toutes les Mitsvot, les enfants d’Israël les ont reçues de Moshé par le moyen de la croyance lorsqu’ils ont su qu’il était réellement l’envoyé de D-ieu et qu’ils ont cru que tout ce qu’il ordonnait était en tant qu’émissaire de D-ieu. Cependant ces deux premières Mitsvot qui sont la réalité de D-ieu et qu’il n’y a pas d’autre réalité, ceci ils l’ont perçu par leur intellect car D-ieu a implanté dans l’intellect humain des connaissances innées qui lui viennent depuis sa conception telle que la connaissance d’un D-ieu unique jusqu’à ce que celui qui scrute par son œil intérieur (c’est-à-dire sa force intellectuelle) dans son for intérieur, puisse retrouver cette perception du divin enfouie et enracinée au plus profond de son âme comme les premiers développements intellectuels d’un enfant et donc, il n’y avait pas besoin de recevoir ces deux paroles par la voie de la croyance dans la parole de Moshé. Pour cela les deux premières paroles sont venues directement de la voix de D-ieu, le créateur des âmes. Et la Mitsva est de s’efforcer de connaître son existence par une connaissance claire tirée de l’intellect.
Exode, chapitre 20 – verset 2
« Il n’y aura pas d’autres dieux devant ma face«
Le Rambam écrit: celui qui pense qu’il y a une divinité autre que lui, transgresse le commandement négatif « et il n’y aura pas pour toi d’autre dieu » et renie le principe qui est un principe fondamental, que tout dépend de Lui. Pour cela les deux paroles « je suis Hachem ton D-ieu » et « et il n’y aura pas pour toi » ont été dites en même temps car ces deux Mitsvot sont la conséquence d’une seule Mitsva qui se décompose en une Mitsva positive et une Mitsva négative découlant l’une de l’autre. Car de la « émouna », croyance qu’il est le créateur et qu’il est celui qui diffuse la vie à chaque moment dans la création, découle la croyance dans l’unité divine. Et par les mots « sur ma face« , le verset vient exclure l’erreur des gens de la génération de Enoch, qui pensaient que D-ieu avait donné un pouvoir aux étoiles et aux courses astrologiques comme un roi qui délègue des pouvoirs à ses princes et à ses serviteurs. Pour cela le verset précise « sur ma face » « je suis partout » afin de préciser que seul lui a tous les pouvoirs. De plus, même si le roi délègue ses pouvoirs, lorsque celui-ci se trouve dans la ville, seul Lui seul doit être honoré. Ses princes et ses serviteurs ne sont rien par rapport à lui à ce moment car celui qui honore un prince en valorisant en lui un semblant de pouvoir indépendant devant le roi est considéré comme une révolte comme au sujet de Ouria qui a été condamné à la peine de mort du fait qu’il a appelé Yoab « mon maître » devant le roi David.
Cependant la Mékhilta explique que « il n’y aura pas pour toi » est un avertissement sur le fait de conserver une idole dans sa maison. Le Rambam écrit qu’il est impossible que ce verset s’applique sur la conservation d’une idole car les mots « des dieux étrangers » ne sont employés uniquement pour un service clair ou une prosternation et non sur la fabrication d’une idole car il est impossible d’exprimer l’action de créer un autre dieu par le simple fait de fabriquer une sculpture. Mais d’un autre côté, il est exact d’exprimer ce langage au sujet de la conservation d’une idole qui est le contraire de l’existence de la croyance en D-ieu et de la matérialisation de sa pensée car le fait d’ériger une idole est la négation de cette pensée de D-ieu, une idole renvoie l’idée claire de la négation de l’unité de D-ieu.
Exode, chapitre 20 – verset 3
« Tu ne te feras pas de sculpture et toute gravure de ce qu’il y a dans les cieux d’au-dessus et de ce qu’il y a sur terre d’en-dessous et de ce qu’il y a dans les mers d’en-dessous la terre«
Le Rambam explique que cet ordre est un avertissement de ne pas faire d’idole afin de la servir et il n’y a pas de différence entre le fait qu’il fasse lui-même l’idole ou bien qu’il ait ordonné à une autre personne de la faire et bien qu’il ne l’ait pas servie. Le simple fait de fabriquer une idole en vue de la servir est une transgression de cet interdit.
Le Ramban n’est pas d’accord et pense que l’interdiction n’est pas de fabriquer une idole mais le fait de la servir. Et ainsi à chaque expression de « fabrication » il faut traduire par « servir » et non » fabriquer » comme dans le verset: « de peur que vous vous pervertissiez et que vous fassiez une sculpture représentation de toute chose« . L’intention du verset n’est pas d’interdire la fabrication de l’idole mais de la servir et de la considérer comme ayant une puissance divine. Le Ramban pense qu’il n’y a d’interdiction dans la fabrication de l’idole uniquement s’il y a après un service étranger fait sur elle alors que le Rambam pense que le simple fait de la fabriquer pour la servir bien qu’il ne va pas servir cette idole à la fin, constitue une transgression de l’interdiction.
« Pessel vé khol témouna » Il y a une différence entre « Pessel » « sculpture » et « Témouna » » gravure ». Le « Pessel » est une forme qui ressort et la « Témouna » est une forme qui est incrustée. « Pessel » indique la notion de faire apparaître une forme qui existe déjà et que je dévoile en enlevant ce qui l’empêche de se dévoiler. La pierre en elle-même a cette forme mais qui est cachée par un revêtement minéral que je dépouille au moment de la fabrication de la sculpture comme dans l’expression « la forme de l’homme » qui représente en fait le côté spirituel de l’homme enfouie dans sa matière. Le « Pessel » serait de dépouiller la matière afin de faire apparaître l’âme qui fait vivre cette matière comme dans « fabriques (pessal lékha) toi deux tables de pierres » Et donc dans la fabrication d’une idole, l’interdiction serait de faire apparaître une spiritualité propre dans cette matière qu’est le minéral.
« Témouna » représente l’apparition de la forme non pas en se dévoilant de ce qui l’enveloppe mais en incrustant une forme qui n’a jamais existé, illusion d’optique utilisant la puissance imaginative pour faire apparaître une forme à la matière comme si d’une énergie spirituelle s’est incrustée dans son imaginaire la forme qu’il va recevoir et qui va apparaître, comme si le divin va se révéler dans la matière par sa puissance imaginative. Et ainsi nous pouvons expliquer le verset: « et l’image (Témouna) de d-ieu il regarda » c’est-à-dire qu’il a donné forme à toute la réalité où à l’intérieur peuvent s’incruster toutes formes de sagesse supérieure. Et ainsi les sages de la Kabbala ont puisé tous les secrets de la création dans le principe du ‘tsimtsoum’, principe de restriction qui a fait apparaître l’espace comme si à l’intérieur de cet espace était incrustée la sagesse du ‘ein sof’, de l’infini. C’est-à-dire faire passer la sagesse infinie du divin dans cet espace qui forme la création par le moyen de l’intellect en faisant une introspection profonde. Par cela, l’homme pourra connaître les chemins de la sagesse mais en aucune façon, l’œil physique ne pourra percevoir de sagesse comme il est dit: « vous ne pourrez voir toute image (Témouna) » c’est-à-dire par le moyen de l’ego.
« qui sont dans les cieux au-dessus » il y a une différence entre « al » » sur » « méal » » au-dessus » et « mimaal » » au-dessus du dessus ». « al » désigne quelque chose qui se trouve sur l’objet lui-même. « méal » désigne quelque chose qui est au-dessus mais sans le toucher, planant au-dessus. « mimaal » désignant quelque chose encore plus haut dans l’espace faisant référence aux anges. Donc « dans les cieux » fait référence aux astres « mimaal » fait référence aux êtres angéliques complètement spirituels. De même « mitah’at » « d’en-dessous » fait référence aux formes de l’abîme et de l’obscurité. Et par « dans les eaux de dessous la terre » le verset fait référence à ce qui se trouve dans les abîmes des océans.
Exode, chapitre 20 – verset 6
« Ne prononces pas le nom הי Hashem ton D-ieu en vain car הי ne lavera pas celui qui prononce son nom en vain«
Il est expliqué dans le Talmud que celui qui jure « j’ai mangé » ou bien » je n’ai pas mangé » et que cela est faux, est considéré comme un faux serment et il enfreint le verset: « et vous ne jurerez pas en mon nom pour le mensonge« .
Qu’est-ce que le serment en vain? Celui qui jure pour changer ce qui est connu car le mot « en vain » fait référence à quelque chose qui n’a pas de réalité. Comme jurer qu’une pierre est de l’or ou bien qu’une pierre est une pierre ou bien jurer sur quelque chose qu’il est impossible de réaliser comme jurer de ne pas faire une Mitsva ou bien de s’empêcher de dormir trois jours d’affilée. Alors que « j’ai mangé » ou bien « je n’ai pas mangé » ne peut se vérifier et donc, par cela, il trompe celui qui écoute le serment consciemment et donc cela n’est pas un serment en vain mais cela n’est que du mensonge. Mais du fait qu’il y a écrit deux fois le mot « en vain » le verset vient inclure le faux serment dans ce verset. Et ici est redoublé le nom divin « Havaya » car s’il avait été écrit simplement « ne sera pas lavé », j’aurais cru qu’il n’y aurait jamais de réparation à cette faute même par le tribunal humain par la lapidation pour cela il est précisé « ne sera pas lavez par D-ieu » pour dire seul D-ieu ne lave pas cette faute mais le tribunal d’en-bas a la possibilité de laver grâce au jugement écrit au sujet de celui qui transgresse les interdits et seul D-ieu ne le punit pas par ses punitions du ciel au sujet de ceux qui transgressent les simples interdits et qui sont susceptibles d’être lavés par la simple Téchouva. Donc conséquence de cette interdiction qui n’est punissable que par le tribunal d’en-bas mais non par le tribunal céleste est qu’elle ne peut être lavée par la simple Téchouva si ce n’est accompagnée d’épreuves.