Lois des bénédictions I. Cours hebdomadaire du Rishon Letsione Marane Rav Itshak Yossef Shalita du 2 Novembre 2019
Lois des bénédictions
Lois des Bénédictions (Berakhot)
Un doute sur le Birkat Hamazon ; La quatrième Berakha ; Association des aliments pour le Birkat HaMazon ; Une Berakha de la Torah ; Savoir trancher la Halakha ; l’interdit de prononcer une Berakha en vain
Rédaction réalisée par le Rav Yoel Hattab – Correction et relecture par Mr Eliahou Ankri
Beth Maran Parachat Lekh Lékha
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Chiour hebdomadaire (2 Novembre 2019) de Maran Harishon Létsion Hagaon Hagadol Rabbénou Itshak Yossef Chlita
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La Torah dans (Devarim chap.8 verset 8-10) énonce
ח אֶרֶץ חִטָּה וּשְׂעֹרָה, וְגֶפֶן וּתְאֵנָה וְרִמּוֹן; אֶרֶץ–זֵית שֶׁמֶן, וּדְבָשׁ. ט אֶרֶץ, אֲשֶׁר לֹא בְמִסְכֵּנֻת תֹּאכַל–בָּהּ לֶחֶם—לֹא–תֶחְסַר כֹּל, בָּהּ; אֶרֶץ אֲשֶׁר אֲבָנֶיהָ בַרְזֶל, וּמֵהֲרָרֶיהָ תַּחְצֹב נְחֹשֶׁת. י וְאָכַלְתָּ, וְשָׂבָעְתָּ—וּבֵרַכְתָּ אֶת–יְהוָה אֱלֹהֶיךָ, עַל–הָאָרֶץ הַטֹּבָה אֲשֶׁר נָתַן–לָךְ :
8 Un pays qui produit le froment et l’orge, le raisin, la figue et la grenade, un pays (qui produit) l’olive huileuse et le miel; 9 un pays où tu ne mangeras pas ton pain avec parcimonie, où tu ne manqueras de rien; les cailloux y sont du fer, et de ses montagnes tu extrairas du cuivre. 10 Tu jouiras de ces biens, tu t’en rassasieras. Rends grâce alors à l’Éternel, ton Dieu, du bon pays qu’il t’aura donné!
Au début, le verset parle des 7 fruits d’Israël. Mais ensuite, le verset nous dit : Veakhalta vessavata Ouverakhta, Tu jouiras de ces biens, tu t’en rassasieras. Rends grâce alors à l’Éternel, ton Dieu. Ce verset parle du pain. En effet, le verset qui précède énonce le pain. Ainsi, de ce verset nous apprenons que le Birkat Hamazon est un ordre de la Torah.
Et ce, selon tous les avis, sans aucune controverse. D’ailleurs, le Cheitot dérav A’hay Gaon, rapporté par le Rosh (20b) nous apprend que celui qui doute d’avoir dit une Berakha Derabanane ne se reprend pas, sauf le Birkat HaMazone.
Nous retrouvons presque cela aussi dans le Yerouchalmi (2b) en ce qui concerne une personne qui doute d’avoir dit Birkat Hamazon. Il doit reprendre, car il s’agit d’un ordre de la Torah. Contrairement à toutes les autres Berakhot qui sont, elles, d’ordre Rabbinique.
(Par exemple, une personne chante le Chabbat et se retrouve être dans le doute. Maran Harav Zatsal et nous même chantions sur la table de Chabbat, mais Maran Harav ne voulait pas que ce soit trop long, car cela causait du Bitoul Torah. Mais voyant que nous souhaitions continuer, il nous disait qu’il se rendait dans sa Sifria pour étudier et qu’on l’appellerait quand on avait fini.)
Tel est l’avis du Rambam (Chap.2 lois de Berakhot) qui écrit que la limite de temps où nous pouvons dire le Birkat Hamazon est évaluée selon la digestion, plus communément appelée Ad chéitakel Hamazon
Le Kessef Misshné explique qu’il s’agit d’une Berakha de la Torah. Le Rambam (Chap.4) nous enseigne qu’en cas de doute sur toutes autres Berakha, on ne reprendra pas, car il s’agit de Berakhot d’ordre Rabbinique. Tel est l’avis du Choulhan Aroukh (Siman 167). Alors que pour le Birkat Hamazon le Choulhan Aroukh (Siman 154 et 209 Halakha 3) tranche bien que l’on doit le dire dans le doute, conformément à l’avis du Rambam (lois de Berakhot, Chap.8).
Association des aliments
Le doute est le suivant : Si une personne a consommé un Kazaït, sur lequel, en général une personne est obligée de dire le Birkat Hamazone, mais n’a pas été rassasiée par ce Kazaït, mais par les autres aliments du repas, le Birkat HaMazone est-il de la Torah ou d’ordre Rabbinique ? L’Or Letzion tranche qu’il s’agit d’un Birkat Hamazone Derabanane. Par la même occasion, cette Halakha nous apprendra que dans un tel cas, si une personne doute d’avoir dit Birkat Hamazon. On devrait considérer ce Birkat HaMazone comme étant un ordre Rabbinique et on ne reprendra pas, comme toutes les autres Berakhot.
Cependant, avec tout le respect qui lui est dû, il n’a pas eu connaissance du Raza (Chap.6 Lois de Berakhot) qui pense que même dans le cas où une personne s’est rassasiée avec d’autres aliments du repas (faisant partie du repas, non pas des fruits ou autres), ces aliments s’associeront au Vessavata du verset. Tel est l’avis du Chout Halékéth, de Rabbi Akiva Iguére. Le Pri Megadim, le Hessed Laalafim. Le Ben Ish Hai quant à lui reste dubitatif à ce sujet. Mais il leur est rappelé la même interrogation en ce qui concerne la méconnaissance du Raza.
Conclusion de la Halakha : On se tiendra sur l’avis du Raza, et, en cas de doute si on a déjà dit le Birkat hamazone, même dans le cas d’association des aliments, on reprendra le Birkat Hamazone.
L’avis de Maran Harav Ovadia Yossef Zatsal
Cette semaine (étant la Hazkara de Maran Harav Zatsal) nous avons mis en relief ô combien sa Torah était complète. Elle comprend autant le Talmud Bavli que Yerouchalmi, autant la Tshouva des Guehonim que celle des Rishonim et autant l’avis des A’haronim que les A’haronei A’haronim. Plus une personne a des connaissances, plus elle arrivera à la véracité de la Torah. Il est vrai, qu’il est difficile de s’adapter à autant de livres et de sources, mais ô combien on ne peut pas se suffire de notre propre compréhension (plus communément appelé Svara ) face à celles des imminences de la Torah, tels que les Rishonims. Aussi, afin d’avoir connaissance d’autant de sources, quoi de mieux qu’étudier les livres de Maran Harav Zatsal.
Dans notre cas, nous avons l’avis du Raza. Par cet avis, il ne craint pas de Safek Berakhot. Il trancha donc[1] qu’en cas de doute, dans le cas où une personne s’est rassasiée avec d’autres aliments en plus de son Kazaït, il reprendra le Birkat Hamazone (qui est donc de la Torah).
Autre exemple
Comme nous avons conclu plus haut, dans un cas de doute si une personne a dit Birkat Hazon, elle reprendra, car il s’agit d’une Berakha de la Torah. Cependant, il faut savoir que le Birkat Hamazone est composé de 3 Berakhot de la Torah (jusqu’à Boné Yerouchalaim) et la 4ème Berakha est d’ordre Rabbinique[2]. Selon le développement rapporté plus haut, doit-on reprendre même la 4ème Berakha ?
Le Magen Avraham rapporte au nom du Maharash Hayoune, que l’on dira aussi la 4ème Berakha, de peur que cette dernière Berakha soit dénigrée par la suite[3]. Tel est l’avis du Sefer Haeshkol[4], du Knesset Hagdola (il y a environ 300 ans), du Pri Hadash, du Hida, du Beth Menouha, du Sdé Hemed, du Aroukh Hachoulhan[5], du Divrei Malkiel, du Mishna Berroura et de l’Or Letsion. D’ailleurs, de cette manière on peut déduire aussi du Troumpat Hadeshen. Donc, comme nous l’avons dit, selon tous ces avis, dans le doute, on ne reprendra pas seulement les trois premières Berakhot du Birkat Hazon, mais aussi la quatrième Berakha (et on reprendra donc le Birkat Hamazon au complet).
Mais notre Torah est vaste. On ne peut pas se suffire de ces Poskim pour tenir la Halakha. En effet, le Rambane[6] écrit que dans le doute sur une Berakha d’ordre Rabbinique on ne se reprend pas « comme la quatrième Berakha du Birkat HaMazone[7] ». De cette façon nous pouvons aussi facilement comprendre que tel est l’avis du Rashba. De cette manière se tiennent le Elia Rabba, le Le’Heme Mishné. Le Olath Tamid déduit de cette façon sur l’avis du Rambam. Tel est l’avis du responsa Chéilath Yaakov, du Gaon HaNatsiv et bien d’autres encore. La Halakha est tranchée de cette manière. Ainsi, dans le doute, on reprendra uniquement les trois premières Berakhot. Tel est aussi l’avis du Ben Ish Haï[8].
On peut être assez étonné au sujet de l’avis de l’Or Letsion, qu’il ne ramenât pas tous ces Poskim, desquels nous pouvons largement mettre en place la règle de Safek berakhot Leakél.
En revanche, si un des attablés doit dire le Birkat Hamazone, la personne qui est dans le doute, peut lui demander de dire à voix haute la quatrième Berakha en pensant l’acquitter. Dans une telle situation, la personne qui se rend quitte devra mettre la condition en disant que s’il devait reprendre la quatrième Berakha selon la loi, alors il pense à se rendre quitte par cette tierce personne. Dans le cas contraire, sa pensée ne le rendra pas quitte[9].
On voit de ce développement, la grande importance de ne pas se suffire d’une étude concise du Choulhan Aroukh. D’où l’importance d’étudier les livres de Maran Harav Zatsal.
Une Bénédiction en vain, un interdit de la Torah ?
Il est rapporté dans le traité Berakhot (33a) un enseignement de Rabbi Yehouda au nom de Rav : du verset « Tu ne prononceras pas le nom d’Hachem en vain », nous apprenons l’interdit de dire une Berakha en vain. De cette Guemara nous apprenons que l’interdit d’une bénédiction en vain, est un interdit de la Torah (du verset). Tel est l’avis du Rav Aye Gaon, lequel pense que la personne ayant prononcé une Berakha en vain est passible de Malkout. Le Rambam lui-même tranche que cette personne aura transgressé une Mitsva négative de la Torah. D’ailleurs, Choulhan Aroukh[10], rapporte les mêmes termes que le Rambam.
Cependant, le Elia Rabba dit que selon les Tossfot la Guemara nous rapportant le verset vient juste nous apprendre une Hasma’hta du verset (c’est-à-dire un enseignement du verset. Mais l’interdit ne sera pas pour autant un interdit de la Torah, mais restera d’ordre Rabbinique). Ils expliquent, que l’interdit de la Torah au sujet de prononcer le nom d’Hachem en vain, concerne une personne ayant fait un serment au nom d’Hachem[11], car l’interdit de la Torah est sur un serment avec le nom d’Hachem. Tel est l’avis du Rosh (chap.3).
Le Elia Rabba veut aussi expliquer que tel est aussi l’avis du Rambam. Mais le Rambam est explicite à ce sujet : dire une Berakha en vain est un interdit de la Torah. De plus, le Elia Rabba n’a pas eu connaissance de la Tshouva du Rambam (qui, à son époque, n’ était pas encore imprimée[12]), où il est dit, que dans les villes ou l’on doute si la lecture de la Méguila doit être le 14 Adar ou bien le 15, comme la ville de Lod, Hevron ou Tibériade[13], ils devront lire les deux jours selon le Din[14], mais la Berakha ne doit être dite que le 14 Adar, suivant la lecture de la plupart du monde. Mais le 15 Adar, la lecture doit être dite sans la Berakha, car si on dit la Berakha « on entre dans un Safek si on a dit une bénédiction en vain de la Torah ». Donc on peut bien définir que selon l’avis du Rambam, il est évident qu’une bénédiction en vain est un interdit de la Torah.
Interrogation
Le livre Peta’h Hadvir s’interroge : même s’il s’agit d’un interdit de la Torah, nous avons une règle disant qu’une personne ayant transgressé un interdit simplement par la parole sans cause à effet[15], ne sera pas passible de Malkout. Alors pour quelle raison, le Rav Aye Gaon dit que la personne est passible de cette peine ? Il répond en disant qu’en réalité son avis est de dire que la personne aura transgressé un interdit Rabbinique et sera passible de Mardout (même peine que Malkout mais pour des transgressions d’ordre Rabbinique, et moins dure). Selon cette interrogation, même le Sdé Hemed tranche qu’une Berakha en vain est en réalité un interdit d’ordre Rabbinique. Le responsa Zera Emet rapporte lui aussi, tout un développement démontrant que l’interdit est simplement d’ordre Rabbinique jusqu’à que lui-même trouve le responsa Peer Hador du Rambam. En fin de compte, il essaye de dire que même selon le Rambam l’interdit est « aussi » grave qu’une transgression d’un interdit de la Torah, mais cela reste un interdit Rabbinique.
Comment répondre ?
Pour répondre à l’interrogation du Petah Hadvir, il faudra faire attention aux termes employés par le Rambam[16]. Le Rambam dit : « la personne transgresse l’interdit de ne pas dire le nom d’Hachem en vain, comme-ci elle avait juré en vain. » Fin de citation. Pour quelle raison, le Rambam compare l’interdit de dire le nom d’Hachem en vain avec l’interdit de dire un serment en vain ? La Guemara dans le traité Tmoura[17] nous apprend, que pour des transgressions de la Torah, non transgressées par un acte, la personne n’est pas passible de Malkout sauf dans trois cas : après avoir enfreint l’interdit de jurer en vain (Chvoua), d’avoir défini une bête prenant le rôle de sacrifice à la place d’une autre (mimar), et une personne qui maudit (Mékallél). Sur ce, le Rambam nous apprend que l’interdit de dire une Berakha en vain est similaire au serment : dans les deux cas la personne est passible de Malkout. Voici donc, comment nous pouvons répondre à l’interrogation du Peta’h Hadvir. Ainsi selon le Rambam il est évident que l’interdit de dire une bénédiction en vain est de la Torah. Tel est l’avis du Hida[18]. Tel est l’avis aussi du Choulhan Aroukh.
Conséquence
Nous avons apporté plus haut, que selon les Tossafot et le Rosh (en général même le Rama pense comme eux), qu’une Berakha en vain est un interdit d’ordre Rabbinique.
Donc, selon leur avis, on peut comprendre la raison pour laquelle, dans le doute si on a dit ou pas le Birkat Hamazon, on reprendrait, car en fin de compte, l’interdit de dire (selon eux), une Berakha en vain est d’ordre Rabbinique, alors que de dire le Birkat HaMazone est un ordre de la Torah. Dans le doute donc, on reprend.
En revanche, Rabbi Akiva Iguére[19] s’interroge : selon notre avis, suivant l’opinion du Rambam, dire une bénédiction en vain est un interdit de la Torah. Alors comment se fait-il que dans le doute, on doive reprendre le Birkat Hamazone ? Expliquons. Nous pouvons faire face à deux Mitsvot. La Mitsva positive de la Torah, de faire le Birkat Hamazon, et la Mitsva négative de la Torah de ne pas dire de bénédiction en vain. Pour quelle raison devrait-on mettre en avant la Mitsva de dire le Birkat Hamazon, causant par la même occasion de, « peut-être », transgresser un interdit de la Torah de dire le nom d’Hachem en vain ?
Il répond en disant, qu’à partir du moment où nos Sages autorisèrent de faire le Birkat Hamazon dans le doute, on ne craindra plus l’interdit de dire une bénédiction en vain.
Interrogation sur la réponse de Rabbi Akiva Iguére
Mais il est assez difficile de concevoir une telle réponse. Expliquons.
[Afin de comprendre, je me dois d’expliquer les choses dans son ensemble. Il est rapporté dans le verset[20] :
כִּי נֶפֶשׁ הַבָּשָׂר, בַּדָּם הִוא, וַאֲנִי נְתַתִּיו לָכֶם עַל–הַמִּזְבֵּחַ, לְכַפֵּר עַל–נַפְשֹׁתֵיכֶם: כִּי–הַדָּם הוּא, בַּנֶּפֶשׁ יְכַפֵּר.
Car le principe vital de la chair gît dans le sang, et moi je vous l’ai accordé sur l’autel, pour procurer l’expiation à vos personnes ; car c’est le sang qui fait expiation pour la personne.
De ce verset, nous apprenons que le sang des sacrifices expiait la faute de la personne. Le Cohen avait la Mitsva d’asperger sur l’Autel, le sang du sacrifice. Autour de l’Autel, il y avait comme un chemin creusé permettant justement d’asperger à cet endroit. Il existe plusieurs sortes de sacrifices, ainsi que des groupes différents d’aspersions. Par exemple, pour le sacrifice Ola, le Cohen devait jeter le sang dans deux coins différents : l’un dans le coin nord-est, et le second au Sud-Ouest. Cette pratique est plus communément appelée dans la lecture des Korbanot du matin : Chété Matanot chéhén Arba. Par ailleurs, pour le sacrifice de Pessah par exemple, le sang devait être jeté que dans un seul coin. Plus communément appelé Matana A’hath. Avant d’asperger, le sang était mis dans un récipient. Chaque récipient pour chaque sacrifice, afin de pouvoir accomplir la Mitsva d’aspersion, selon chaque sacrifice.]
Suite à ce développement, il est enseigné dans le traité Rosh Hashana[21], si le sang de deux sacrifices distincts s’est mélangé avant l’aspersion[22]. Disons par exemple, que le Cohen doute s’il doit asperger deux coins (Chété Matanot chéhén Arba) ou bien un seul (Matana A’hath). Que doit-il faire ? Si dans le doute, il asperge deux coins, il se peut qu’il transgresse l’interdit de « ne pas rajouter » sur les Mitsvot. Et si au contraire dans le doute, il asperge qu’un seul côté, il se peut qu’il transgresse l’interdit de « ne rien retrancher ». Comme nous l’enseigne le verset[23] :
Tout ce que je vous prescris, observez-le exactement, sans rien y ajouter, sans rien en retrancher.
Alors que faire ? La Guemara rapporte l’avis de Rabbi Yehoshoua, disant qu’il mettra le sang que sur un seul côté, car il est préférable de transgresser l’interdit « ne rien retrancher » en Chév Véal Ta’assé[24], plutôt que de transgresser l’interdit de « ne pas rajouter (sur les Mitsvot) » en aspergeant deux côtés en Koum vé’assé[25].
Selon cette Guemara, nous pouvons nous interroger au sujet du Birkat Hamazon : pour quelle raison nos Sages ont-ils demandé que la personne dise le Birkat Hamazon dans le doute ? Nous venons d’apporter une preuve, nous apprenant qu’il est préférable de transgresser un interdit en Chév Véal Taassé, plutôt qu’en Koum Vé’assé ? Dans notre cas : nous avons une Mitsva de dire le Birkat Hamazon, et un interdit de dire le nom d’Hachem en vain : il est donc préférable de ne pas dire le Birkat Hamazon et ainsi (peut-être) transgresser la Mitsva de dire le Birkat (Chév Véal Ta’assé), plutôt que de dire le Birkat et transgresser l’interdit de dire le nom d’Hachem en vain (Koum vé’assé) ?
Réponse
Il existe une discussion dans le Rishonim en ce qui concerne la règle de Safek DéOraïta La’Houmra (en cas de doute sur une Mitsva de la Torah, on sera plus strict[26]) : est-ce une règle d’ordre Rabbinique ou de la Torah ?
Par exemple, lorsque la Torah demande que l’on mange de la viande cachère, si on dit que Safek Deoraïta La’Houmra c’est un ordre de la Torah, nous devons alors tout faire pour rechercher la meilleure Hashgaha (pas spécialement celle de Badatz Aeda Ha’haredit). Mais s’il s’agit d’une viande que l’on doute si elle est cachère, il est interdit de la Torah de la consommer. Tel est l’avis du Rashba et de son élève le Rane et beaucoup d’autres encore.
En revanche, selon le Rif, le Rambam, et il se peut le Rosh aussi, il s’agit d’une règle d’ordre Rabbinique. Selon cette opinion, la Torah interdit uniquement lorsqu’une viande (exemple) est non cachère. Mais si l’on doute sur le statut de Cacherout de cette viande, la Torah autorise alors que nos sages interdisent.
D’ailleurs, il est enseigné dans le traité Kiddouchine[27], que la Torah interdit qu’une personne illégitime (Mamzére) soit admise dans l’assemblée d’Hachem. La Guemara nous apprend que cette loi tient uniquement, s’il n’y a aucun doute sur son statut de Mamzére. Mais dans un cas de doute, la Torah permet. Mais par approche importante envers la généalogie de la personne, nos sages interdirent même si son statut est douteux. De là, le Rambam[28] nous enseigne :
דבר ידוע שכל אלו הטומאות וכיוצא בהן שהן משום ספק הרי הן של דבריהן ואין טמא מן התורה אלא מי שנטמא טומאת ודאי אבל כל הספיקות בין בטומאות בין במאכלו‘ אסורות בין בעריות ושבתות אין להם אלא מדברי סופרים
Il est connu que toutes ces impuretés et celles qui sont semblables, qui relèvent d’un doute, sont d’ordre Rabbinique. Et n’est impure selon la Torah qu’une personne qui s’est rendue impure par une impureté certaine. Mais, tous les cas de doute, en ce qui concerne les impuretés, les aliments interdits, les relations interdites ou le Chabbat, ne sont que d’ordre Rabbinique.
La distinction si on considère la règle de Safek DéOraïta La’Houmra comme étant un ordre de la Torah ou bien d’ordre Rabbinique est dans le cas où il y a deux doutes sur le même sujet, plus communément appelé Sfék Sféka. Expliquons. Si on dit que Safek DéOraïta La’Houmra est un ordre Rabbinique, lorsqu’il y a un Sfek Sféka, le second Safék devient alors d’ordre Rabbinique et on mettra alors en place une autre règle qui est Safek Derabanane LaKoula, autorisant donc la chose en question. Si, en revanche, on dit que Safek DéOraïta La’Houmra est un ordre de la Torah, même le second Safek reste interdit.
L’apport d’un sacrifice même dans le doute
Une personne qui a un doute si elle consomma une graisse interdite ou bien permise, et ne peut pas le savoir, elle devra apporter un sacrifice appelé Acham Talouy.[29] Comme il est dit dans le verset[30] :
ז וְאִם–נֶפֶשׁ, כִּי תֶחֱטָא, וְעָשְׂתָה אַחַת מִכָּל–מִצְוֹת יְהוָה, אֲשֶׁר לֹא תֵעָשֶׂינָה; וְלֹא–יָדַע וְאָשֵׁם, וְנָשָׂא עֲוֹנוֹ. יח וְהֵבִיא אַיִל תָּמִים מִן–הַצֹּאן, בְּעֶרְכְּךָ לְאָשָׁם—אֶל–הַכֹּהֵן; וְכִפֶּר עָלָיו הַכֹּהֵן עַל שִׁגְגָתוֹ אֲשֶׁר–שָׁגָג, וְהוּא לֹא–יָדַע—וְנִסְלַח לוֹ.
17 Si un individu, commettant un péché, contrevient à une des défenses de l’Éternel, et que, incertain du délit, il est sous le poids d’une faute, 18 il apportera au pontife un bélier sans défaut, choisi dans le bétail, selon l’évaluation de l’offrande délictive; le pontife lui obtiendra grâce pour l’erreur qu’il a commise et qu’il ignore, et il lui sera pardonné.
On voit donc de ce verset que même lorsque la personne doute si elle a fauté, même inconsciemment, elle devra apporter un sacrifice Acham Talouy, comme le prescrit la Torah. Nous pouvons alors nous interroger : on voit donc bien explicitement que même en cas de doute, la Torah prescrit un sacrifice. Donc, comment expliquerons nous alors, l’avis du Rambam, lequel apprend des lois du Mamzere que la Torah n’interdit pas dans le doute. Mais nous pouvons remarquer par rapport à notre dernier développement que la Torah prit en compte le cas d’un doute, au point d’obliger la personne d’apporter un sacrifice. Alors, comment expliquer ?
On peut répondre à cette interrogation selon l’avis du Rane, lequel fait une distinction entre un interdit qui est fixé et un autre qui ne l’ait pas. Pour expliquer, dans le cas de la graisse interdite, il est sûr qu’un des deux morceaux était interdit, c’est ce qu’on appelle Oukva Issoura (le doute est sur un élément sûr). Dans ce cas-là, la Torah va elle-même interdire : on dira alors, Safek DéOraïta La’Houmra c’est une règle de la Torah. Alors que dans le cas du Maùzere, le doute remet en cause la totalité de l’interrogation, car il se peut qu’il n’y a pas du tout de Mamzerout. Ainsi, dans ce cas-là, on dira : que Safek DéOraïta La’Houmra est une règle Rabbinique.
Ainsi, l’avis du Rambam qui tient que Safek DéOraïta La’Houmra est une règle Rabbinique, il parle uniquement dans le cas où le doute en question n’est pas « fixé » (Lo Ikva Issoura).
Réponse finale
Sur ce, le Hagaon Milissa[31] dans son livre Havot Da’at[32] explique que la discussion des Rishonim se porte sur les Mitsvot négatives de la Torah (comme ne pas manger une viande non cachère ou ne pas avoir de relations interdites par exemple). Mais pour ce qui est des Mitsvot positives de la Torah, tout le monde est d’accord pour dire que la règle de Safek DéOraïta La’Houmra est une règle de la Torah. La différence entre les Mitsvot repose sur le fait que la Torah demande qu’une Mitsva positive soit accomplie sans aucun doute possible[33]. Ce qui n’est pas le cas pour les Mitsvot négatives, la Torah l’autorisant dans le doute (dans certains cas).
On voit donc de là, que sur les Mitsvot positives, il existe plus d’exigence, que sur une Mitsva négative. Ainsi, nous pouvons apprendre de ce développement, à propos du Birkat Hamazon, nous avons une Mitsva positive de dire le Birkat Hamazon et une Mitsva négative de ne pas prononcer le nom d’Hachem en vain. On dira alors que la Mitsva positive doit être plus mise en valeur que la Mitsva négative. C’est pour cela que l’on devra reprendre le Birkat Hamazon en cas de doute.
Fin du cours Lois des bénédictions I du Rav Its’hak Yossef Chalita
[1] Responsa Yehavei Daat Vol.6 Siman 10 p.61 dans les notes. Responsa Yabia Omer (Vol.9 Orah Haim Siman 108 alinéa 89 et dans le Hazon Ovadia Berakhot (p.238)
[2][2] La Berakha de HaTov Vehamétiv instituée par nos Sages à la mémoire des victimes de la ville de Beitar. Le mot Hatov faisant référence au fait que les corps ne se sont pas décomposés et le mot Hamétiv, remerciant le fait qu’ils ont pu être enterrés comme il est rapporté dans le traité Berakhot (48b).
[3] Si on la met de côté dans notre cas, il se peut que les gens vont être moins exigeants vis-à-vis de cette Berakha même en général et puissent en arriver à ne pas la dire.
[4] Qui était le beau-père du Raavad. Les deux s’appelaient Avraham
[5] Même si son nom de famille est Epstein, ce nom a été emprunté du nom de sa ville. Son nom de famille est en réalité « Bavnichti »
[6] Traité Chabbat 23a
[7] Il y en a qui expliquèrent que le Rambane parle d’un cas ou la personne a débuté le Birkat Hamazone et s’est endormie au milieu. La question est doit-il, dans le doute, reprendre aussi la quatrième Berakha ? Sur ce, le Rambane expliquerait qu’uniquement les trois premières Berakhot. Mais, celui qui approfondit les mots du Rambane, comprend bien que son avis est général et ne se résume pas uniquement à un cas en particulier.
[8] Parachat Houkat Halakha 9
[9] Dans ce cas, on ne craindra pas d’enfreindre une Berakha en vain, car même si on considère que se rendre quitte c’est comme l’avoir dit soi-même, l’interdit de dire une bénédiction en vain, c’est uniquement en prononçant soi-même la Berakha.
[10] Siman 215
[11] Alors qu’il s’agit d’un mensonge, ou bien sur quelque chose qui n’avait aucunement besoin d’un serment, comme le fait de jurer que tel objet est une chaise, alors que tout le monde le sait.
[12] Certaines fois, le Beth Yossef rapporte la Tshouvat du Rambam, mais que dans certains sujets. Il en existe d’autres, qui ont été imprimées que dans les années 5721 (1961).
[13] C’est sûr que le quartier de Ramot doit lire le 15, comme à Jérusalem
[14] Contrairement à l’avis du Rane (traité Méguila 2a) au nom des Guehonim, que le 14 Adar la lecture est selon le Din et le 15 n’est que par mesure de piété.
[15] Contrairement au cas où une personne siffle à son âne afin de le lier à son taureau pour le travail de la terre. S’agissant d’un interdit la Torah, même si la personne a simplement sifflé, cela a causé l’interdit.
[16] Il faut faire attention à chaque mot employé par le Rambam.
[17] 3a
[18] Birkei Yossef Siman 46 alinéa 6 et Ma’hzik Berakha Siman 215 alinéa 2
[19] Tshouvot Siman 25
[20] Vayikrah 17, 11
[21] 28b
[22] Un enfant est venu et a retiré les autocollants spécifiant de quelle sorte d’aspersion il s’agissait, pour faire la collection….
[23] Devarim 13, 1
[24] La règle de Chév Véal Ta’assé veut dire que la personne transgresse un interdit « sans rien faire ». Dans notre cas, il est possible que le Cohen ait dû en réalité asperger deux côtés. Il aura donc transgressé l’interdit de « ne rien retrancher des Mitsvot », sans faire aucune action.
[25] Contrairement à la règle ci-dessus, Koum Vé’assé concerne une personne transgressant un interdit en accomplissant un acte. Dans notre cas, il se pourrait que le Cohen ne doive asperger qu’un côté. Le fait d’asperger deux côtés, la personne enfreint la règle fondamentale « d’ajouter sur une Mitsva » par une action réalisée par elle.
[26] Dans notre cas, on avait vu plus haut que le Birkat Hamazon, étant une Mitsva de la Torah, en cas de doute si elle l’a dit ou pas, elle refera.
[27] 5b.
[28] Lois de l’impureté d’un mort chap.9 Halakha 12.
[29] Si la personne enfreint, sûrement, mais inconsciemment un interdit, elle devra apporter un sacrifice d’expiation.
[30] Vayikrah chap.5 verset 17-18.
[31] Il y a 200 ans.
[32] Yoré dé’a Siman 110.
[33] Comme le fait d’avoir un Etrog Cachère sans aucun doute, ou bien un Choffar ou encore une Matsa.