Parashat Balak (5775)
Yéhouda Moshé Charbit
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בס״ד
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PARACHAT Balak
Après les victoires d’Israël contre Og le roi de Bachane et Si’hone le roi d’Émorie, qui étaient les deux puissances locales, Balak roi de Moav comprend qu’il ne ferait jamais le poids contre ce peuple. C’est pourquoi il envoie des émissaires auprès de Bilaam, connu pour sa grande capacité à maudire, afin de le charger de l’aider. Balak espérait que Bilaam, par ses malédictions, puisse créer une faille dans le peuple, qui lui permettrait de prendre l’ascendant sur lui. Sur ordre d’Hachem, Bilaam refuse la proposition de Balak. Cependant, le roi de Moav insiste et envoie un second groupe d’émissaires afin de convaincre Bilaam. À cette seconde initiative, Hachem laisse la possibilité à ce dernier de choisir ce qu’il ferait et il décide d’accepter la proposition de Balak. Avec empressement, Bilaam rejoint Balak afin de pouvoir maudire le peuple d’Israël. Sur sa route, un ange perturbe le passage de son ânesse par trois reprises, au point de provoquer la colère de Bilaam qui la frappe. L’animal se met miraculeusement à parler afin de justifier son attitude. C’est alors qu’apparaît l’ange devant Bilaam et le réprimande pour son attitude. Inquiet, Bilaam feint de faire téchouva mais s’obstine finalement à partir maudire le peuple. Toutefois, Hachem aimant son peuple, ne le laisse pas agir à sa guise. Effectivement, par trois reprises, Bilaam demande à Balak de lui ériger sept autels sur lesquels il offrirait sept bœufs et sept béliers à Hachem afin qu’il lui apparaisse et qu’il tente de maudire les bné-Israël. Toutefois, chaque fois qu’il voulait maudire le peuple, des bénédictions sortaient de sa bouche! Déçu de la prestation de Bilaam, Balak le renvoie. Avant de le quitter, Bilaam donne un ultime conseil à Balak. Il lui suggère de faire fauter le peuple par les femmes, car le D.ieu d’Israël a l’immoralité en abomination. Balak s’exécute et le peuple s’adonne à l’immoralité avec les filles de Moav qui les poussent même à l’idolâtrie. La colère de Hachem s’enflamme sur le peuple et une épidémie dévastatrice s’abat sur ce dernier. Afin d’arrêter l’épidémie, Hachem enjoint Moshé à tuer tous les fauteurs. Ce n’est que lorsque Pin’has prit l’initiative d’abattre Zimri, qui fautait en publique, que l’épidémie prit fin emportant avec elle 24 000 victimes.
Dans le chapitre 22 de Bamidbar, la torah dit :
:כא/ וַיָּקָם בִּלְעָם בַּבֹּקֶר, וַיַּחֲבֹשׁ אֶת-אֲתֹנוֹ; וַיֵּלֶךְ, עִם-שָׂרֵי מוֹאָב
21/ Bilaam se leva le matin, sella son ânesse et alla avec les princes de Moav.
:כב/ וַיִּחַר-אַף אֱלֹהִים, כִּי-הוֹלֵךְ הוּא, וַיִּתְיַצֵּב מַלְאַךְ יְהוָה בַּדֶּרֶךְ, לְשָׂטָן לוֹ; וְהוּא רֹכֵב עַל-אֲתֹנוֹ, וּשְׁנֵי נְעָרָיו עִמּוֹ
22/ La colère de Dieu s’enflamma car il allait. L’ange d’Hachem se tint debout en chemin pour l’empêcher, et il chevauchait son ânesse ; et ses deux jeunes gens étaient avec lui.
L’intervention de Bilaam est destinée à briser la puissance d’Israël. Se servant de la prière comme moyen de défense, les bné-Israël parviennent à vaincre tous les ennemis qui leur font face. Dès lors, Balak cherche le moyen de lutter à armes égales et sollicite Bilaam dont les capacités de malédiction sont reconnues dans le monde. Toutefois, le peuple bénéficie de la protection du Maître du monde et l’initiative de Bilaam se solde par un échec : les malédictions se transforment en bénédictions. De tout le récit de notre paracha ressort la haine particulièrement accentuée de Bilaam contre le peuple hébreu. En effet, à plusieurs reprises Hachem exprime à ce racha son refus de le voir partir avec Balak, Il opère même plusieurs miracles afin de l’inciter à se repentir et qu’il ne s’en prenne pas aux hébreux. Et pourtant rien n’y fait, Bilaam va tenter par tous les moyens de s’attaquer aux bné-Israël et de les détruire. Même après avoir échoué, il donne un ultime conseil à Balak afin de faire fauter le peuple dans la débauche et engendrer sa sanction. Ce conseil va coûter cher aux bné-Israël, car des milliers d’hommes vont perdre la vie. Pourquoi, alors même qu’il n’a plus rien à y gagner, Bilaam poursuit-il ses efforts d’éradication de ce peuple. Plus encore, le midrach explique que Bilaam est l’instigateur de la mort des nourrissons en Égypte ! Comment un homme peut-il nourrir une telle haine pour un peuple qu’il ne connaît pas ? Pourquoi va t-il risquer sa réputation et sa gloire auprès des nations pour tenter de supprimer les bné-Israël, le tout en désobéissant frontalement à l’être qu’il sait être le Maître de l’univers ?!
Comme nous commençons à le comprendre, la haine de cet homme n’est pas spontanée et anodine, elle est au contraire profonde et réfléchie. Tentons d’analyser plus en avant le problème.
Le Rambam commente un passage de notre paracha qu’il met en rapport avec David et Machia’h (lois sur la royauté, chapitre 11, hala’ha 1) :
« Il est cité également dans l’épisode de Bilaam et il y est prophétisé sur les deux Machia’h : le premier qui fut David, et qui sauva Israël des mains de ses oppresseurs, et le dernier Machia’h qui se lèvera d’entre ses descendants et qui délivrera Israël des mains d’Essav. C’est ce qui est dit là bas (Bamidbar, chapitre 24, versets 17 et 18) : « Je l’aperçois mais pas immédiatement » , c’est David ; « Je l’entrevois mais il n’est pas proche », c’est le Roi Machia’h. « Une étoile a jailli de Jacob » , c’est David ; « Un sceptre se dressera en Israël » , c’est le Roi Machia’h. « Il bataillera aux confins de Moab » , c’est David, comme il est dit « il vainquit Moab et les mesura au cordeau » (Zacharie, chapitre 9, verset 10) ; « Il détruira tous les fils de Seth » , c’est le Roi Machia’h, dont il est dit « sa puissance ira d’une mer à l’autre « (Zacharie, chapitre 9, verset 10). « Edom sera son héritage » c’est David ainsi qu’il est dit « les Iduméens devinrent les esclaves de David. » ; « (…) il deviendra son héritage » c’est le Roi Machia’h ainsi qu’il est annoncé « les libérateurs monteront sur le Mont Sion etc… » (Ovadia, chapitre 21). »
Il ressort clairement que les propos de Bilaam sont principalement axés sur ces deux personnages que sont David et le Machia’h. Or rappelons un détail qui a toute son importance. Les propos qui sortent de la bouche de Bilaam ne sont pas volontaires ! L’objectif de Bilaam est de maudire le peuple et dans sa bonté infinie, Hachem transforme ses paroles en bénédictions. Ce qui signifie que sans l’intervention de Dieu, les mots proférés par ce triste personnage auraient été négatifs. En claire, ce que cherche Bilaam est de maudire la lignée royale de David, de qui découlera béhézrate Hachem, le machia’h. Seulement, pourquoi spécifiquement Bilaam craint-il ces hommes ? Que redoute t-il autant pour tenter à tout prix de les maudire ?
Pour comprendre cela, il faut nous référer à un enseignement bien connu du midrach (Yalkout Chimoni (béréchit, paragraphe 41) : « » Voici le livre des descendances d’Adam » : cela nous apprend qu’Hakadoch Baroukh Hou a fait voir à Adam harichone, toutes les générations à venir… Il lui a fait voir la vie de David destinée à seulement trois heures dans ce monde. Il a alors dit : » Maître du monde ! N’y a t-il pas de moyen de réparer cela ? ». Dieu lui répond : » Ainsi m’est-il venu à l’esprit (cette expression est souvent utilisée pour exprimer les décisions de Dieu). » Adam demande alors : « Combien d’années dois-je vivre ? ». Il lui répond : « Mille ans ». Adam poursuit : « Existe t-il des cadeaux dans le ciel ? » À quoi Hachem répond : « oui ». « Je donne donc soixante dix de mes années » »
Ce texte est très connu et soulève quelques questions. En effet, qu’a vu Adam Harichone de particulier pour s’arrêter spécifiquement sur David ? Beaucoup de bébés meurent dès leur naissance et Adam ne leur a pas accordé de traitement particulier. Plus encore, qu’en est-il du machia’h ? Comme chacun le sait, le machia’h est un descendant direct de David Hamele’h. Dès lors, si David était mort à sa naissance, alors il n’aurait pas accompli ce que la torah raconte sur lui et de facto, jamais il n’aurait eu de descendants pouvant mener au machia’h. Certes, Hachem dispose de plusieurs moyens pour accomplir sa volonté, mais le fait qu’Il ait choisi cette voie pour faire venir le messie, signifie bien que telle était sa volonté. En somme, l’intervention d’Adam pour faire vivre David n’a pas engendré de changement dans les plans de Dieu, tout ceci était déjà prévu. Pourquoi alors mettre en scène la mort de celui qui devait faire venir le machia’h ?
La réponse se trouve peut-être dans le fait que si Adam n’avait pas fauté, il aurait été le machia’h. En somme, une des conséquences de sa faute est de l’empêcher d’accéder à la royauté du machia’h immédiatement. À ce titre, la tâche qui lui a été donnée ne peut plus être accomplie et Adam doit réparer cela. C’est pour cela qu’il s’arrête particulièrement sur David. En effet, le midrach (téhilim, mizmor 1) explique que David est un guilgoul, une réincarnation d’Adam Harichone. En ce sens, nous comprenons pourquoi Adam s’arrête sur David. Destiné à être le machia’h et ayant échoué dans cette tâche, Adam cherche dans les générations à venir celui qui sera sa réincarnation et par lequel il accomplira son tikoun, et cet homme n’est autre que David. Dès lors, il est surpris de voir que ce dernier n’est pas destiné à la vie, comment dès lors pourrait-il accomplir la réparation de la faute d’Adam ? C’est pourquoi il fait le choix de lui accorder ses années de vie afin de lui permettre d’engendrer la lignée du machia’h ! Bien-sûr, la réalité est qu’Hachem attendait d’Adam qu’il agisse ainsi, sans doute pour prouver sa motivation à réparer sa faute. Toutefois, il ressort clairement que l’intervention d’Adam vis-à-vis de David a permis la mise en place de la réparation ultime de la fin des temps qui sera réalisée par le machia’h descendant de David.
De là se profile une réponse sur les intentions de Bilaam. En effet, le midrach Yalkout Réouvéni (sur béréchit) précise l’essence de l’existence de cet homme. Lors que ‘Hava a mangé de l’arbre de la connaissance, le bien et le mal se sont mélangés. Les étincelles de sainteté ont donné vie à Hével, et celles d’impureté ont mené à Caïn. Cependant, dans chaque source de sainteté se trouve une pointe d’impureté et réciproquement. C’est pourquoi, l’étincelle de sainteté qui se trouvait enfouie dans Caïn a donné vie à Yitro qui a fini par se convertir. Tandis que l’étincelle d’impureté inséminée dans Hével a conduit à Bilaam.
Ceci nous explique pourquoi Bilaam était l’opposé de Moshé, car ils ont en réalité la même source, seulement dans une base totalement opposée. Moshé étant la réincarnation de Hével est l’expression de la sainteté de cet homme, tandis que Bilaam constitue sa base négative, chargée de toute l’impureté incrustée en Hével à cause de la faute.
Il apparaît clairement que Bilaam a tout intérêt à craindre David et le Machia’h dans la mesure où, ces deux hommes réaliseront la réparation de la faute d’Adam. De sorte, le mélange du bien et du mal sera annulé et Bilaam perdra toute son essence. Il ne s’agit pas de faire disparaître Bilaam en tant qu’être. Il s’agit de supprimer définitivement l’origine, l’essence qui constitue Bilaam et tout ce qui découle de lui. David et son descendant se placent diamétralement à l’opposé de Bilaam, ils sont son antithèse.
Cela nous donne un regard nouveau sur l’enseignement de Rachi au nom du midrach Tan’houma (cf Bamidbar, chapitre 22, verset 26), concernant l’intervention de l’ange face à Bilaam et son ânesse :
« Que vit l’ange pour se tenir dans trois endroits ? Il montra à Bilaam les signes des trois patriarches »
Sur cela le Sifté ‘Ha’hamim précise que la première fois l’ânesse pouvait bouger des deux côtés, le seconde fois seulement d’un et la dernière fois, elle était immobilisée des deux côtés. Ceci est une allusion aux avot car d’Avraham sont sortis deux descendances négatives : Yichmaël et les enfants de Kétoura. De fait, Bilaam aurait pu vouloir bénir la descendance du premier patriarche en voulant inclure Israël car, il existe deux issues négatives pour accomplir cette malédiction. De même, d’Yitshak est sorti Essav. Ainsi, s’il avait maudit la descendance d’Yitshak, une des deux moitiés aurait pu causer l’accomplissement du sort. Seulement, la descendance de Yaakov ne comportait pas de renégat. Cette fois, Bilaam est bloquée des deux cotés et ne peut donc pas s’en prendre aux bné-Israël.
Il s’avère que l’intention de Bilaam était de s’en prendre aux avot, si ce n’était que l’ange ne l’en dissuade. Quel est l’intérêt de s’attaquer aux avot qui étaient saints plutôt que de s’en prendre au peuple lui-même ? Il paraît beaucoup plus simple de trouver une faille dans le peuple que dans ces trois personnages ?
En réalité, la motivation de Bilaam demeure inchangée et nous le comprenons au vu d’un enseignement du Zohar (Béréchit, page 168a et 168b) :
« Même les avot lui ont chacun laissé (à David) de leur vie. Avraham, lui en a laissé et également Yaakov et Yossef. Yitshak ne lui en a pas laissé car David Hamele’h vient de son côté (c’est-à-dire de la même racine, du même attribut que lui). Avraham lui a clairement laissé cinq ans de sa vie, car il devait vivre 180 ans et n’en a vécu de 175, il en manque donc 5. Yaakov devait vivre comme Avraham mais n’a vécu que 147 ans. Il manque donc 28 ans. Il ressort qu’Avraham et Yaakov ont donné 33 ans. Yossef qui a vécu 110 ans aurait dû vivre 147 ans comme Yaakov. Ce qui fait 37 ans de donner à David. Grâce à cela David a pu vivre durant toutes les années que les patriarches lui ont données. »
Sur cela, les Gouré Hahari ont écrit que Yitshak s’est associé à Yossef, c’est pourquoi, Yossef a donné à sa place. En effet, depuis la akéda, Yitshak est considéré comme mort car il a reçu la sentence de la mort sur lui. Dans les faits, sa néchama l’a quitté et est entrée dans le bélier qui a finalement été sacrifié à sa place, tandis qu’Yitshak a reçu une nouvelle âme. C’est pourquoi, il ne pouvait donner aucune année à David. À ce titre, Yossef est intervenu à sa place et a légué à David 37 ans, en correspondance avec les 37 années durant lesquelles Yitshak a vécu avant la akéda.
Une dernière question peut toutefois être soulevée. Il semble qu’Adam d’une part, mais également les avot aient transmit 70 ans à David. Pourquoi répété le processus à deux reprises ? De plus, cela n’aurait-il pas du amener David à vivre 140 ans ?
Une modeste réponse peut être apportée. Le midrach que nous avions cité sur la vie d’Adam se poursuit en attestant qu’à la veille de sa mort, Adam a regretté ce don fait à David, ne voulant pas mourir. Ainsi, au vu de ce que nous avons développé, le tikoun, la réparation d’Adam est entachée d’un défaut, d’un regret. À ce titre, le Zohar que nous avons cité affirme au préalable que les avot sont la réincarnation d’Adam (chacun avait une sous-partie de son âme). À ce titre, ils sont venu réparer et compléter le don d’Adam en venant ré-accorder à David les 70 années qu’Adam a « abimé » en regrettant. Ainsi, les avot ne donnent pas 70 années supplémentaire, ils viennent seulement parachever le don initial d’Adam.
Une fois de plus, nous nous apercevons que Bilaam, en voulant s’en prendre aux avot, visait l’annihilation de David et du risque qu’il représente pour lui. De façon générale, la machia’h fait trembler le mal car le dévoilement du premier indique la suppression du second. De sorte, au fil de l’histoire, les forces du mal n’ont eu et n’auront de cesse de tenter d’empêcher sa venue. Régulièrement nos sages nous dévoilent des instants qui ont été propices à l’arrivée de Machia’h mais qui ont échoué sur le fil à cause de telle ou telle faute qui a retenu sa venue. La réaction fréquente du public lorsqu’il entend cela est de supposer que finalement il ne viendra jamais car chaque fois où il est « sensé » apparaître, il n’y est « comme par hasard » pas parvenu. L’erreur commise est d’oublier qu’à juste titre, chaque fois qu’il est proche cela occasionne automatiquement l’intensification des forces du mal qui tentent inéluctablement d’empêcher son arrivée. Toutefois, notre paracha nous illustre parfaitement les choses. Même si les forces du mal parviennent à repousser sa venue, elles ne parviennent et ne parviendront pas à l’empêcher définitivement. Bilaam a tenté de toutes ses forces mais c’est Hachem lui-même qui l’en a empêché. Le machia’h est le but de Dieu dans ce monde, il va s’en dire combien Il ne laissera rien ni personne le priver de son attente. Yéhi ratsone que cette attente arrive bientôt à son terme afin de nous faire vivre la délivrance prochaine.
Chabbat chalom.