Paracha Ki Tavo – 5776 – Yéhouda Moshé Charbit
Paracha Ki Tavo
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בס״ד
Pour l’élévation de l’âme Yéhouda Ben David Lalou ainsi que ‘Hanna bat Esther.
La paracha débute avec le commandement des bikourim, les prémices des plantations des fruits d’Israël, que l’agriculteur devait apporter au Beth Hamikdach. La paracha se poursuit ensuite par les différents prélèvements que la Torah ordonne de donner aux pauvres. La partie la plus longue de la paracha se consacre à la réprimande des bné-Israël. Après la description de quatorze bénédictions en cas de respect des mitsvot, la Torah dépeint au travers de quatre-vingt dix-huit malédictions, le sort qui attend le peuple s’il reniait la Torah.
Dans le chapitre 28 de Dévarim, la torah dit :
א/ וְהָיָה, אִם-שָׁמוֹעַ תִּשְׁמַע בְּקוֹל יְהוָה אֱלֹהֶיךָ, לִשְׁמֹר לַעֲשׂוֹת אֶת-כָּל-מִצְוֹתָיו, אֲשֶׁר אָנֹכִי מְצַוְּךָ הַיּוֹם–וּנְתָנְךָ יְהוָה אֱלֹהֶיךָ, עֶלְיוֹן, עַל, כָּל-גּוֹיֵי הָאָרֶץ׃
1/ Or, si tu obéis à la voix d’Hachem, ton Dieu, observant avec soin tous ses préceptes, que je t’impose en ce jour, Hachem, ton Dieu, te fera devenir le premier de tous les peuples de la terre.
ב/ וּבָאוּ עָלֶיךָ כָּל-הַבְּרָכוֹת הָאֵלֶּה, וְהִשִּׂיגֻךָ: כִּי תִשְׁמַע, בְּקוֹל יְהוָה אֱלֹהֶיךָ׃
2/ Et toutes les bénédictions suivantes se réaliseront pour toi et t’atteindront, tant que tu obéiras à la voix d’Hachem, ton Dieu.
La guémara (traité méguila, page 31b) enseigne : « Rabbi Chimone Ben El’azar dit : ‘Ézra a institué pour Israël de lire les malédictions de torat cohanim (qui se trouvent dans la paracha bé’houkotaï) avant ‘Atséret (chavou’ot) et celle de michné torah (présentent dans notre paracha) avant Roch Hachana. Quelle en est la raison ? Abbayé a dit et certains pensent que c’est Reich Lakich : afin que l’année se termine avec ces malédictions »
Sur cet enseignement très connu du talmud, le Kémotsé Challal Rav (sur notre paracha) pose une question pertinente. Le fait de lire cette paracha à cette période de l’année est destinée à empêcher son contenu de s’appliquer, en le laissant dans l’année qui passe. Toutefois, même si les malédictions qu’elle contient semblent affolantes et que nous souhaitons nous en éloigner, cette paracha contient également un lot de bénédictions dont nous voulons profiter. De facto, notre attitude de conclure cette section en fin d’année provoque certes l’éloignement des malheurs qu’elle mentionne mais aussi des faveurs qu’elle met à notre disposition.
C’est en ce sens que le décret de nos sages surprend, pourquoi négliger la bénédiction en risquant de la perdre ?
Pour comprendre cela, il nous faut nous référer à un commentaire de Rav Friedman (shvilei pin’has, années 5769 et 5770). Dans ce dernier, il apporte la remarque du Ridbaz (chout haridbaz, tome 2, simane 769) qui remarque une différence frappante entre les 49 malédictions contenues dans le texte de bé’houkotaï et les 98 de notre paracha : les premières se concluent pas une note de consolation, comme il est écrit (vayikra, chapitre 26, verset 42) : « Et je me resouviendrai de mon alliance avec Jacob; mon alliance aussi avec Isaac, mon alliance aussi avec Abraham, je m’en souviendrai, et la terre aussi, je m’en souviendrai. ». Par contre, en ce qui concerne notre paracha, aucune consolation n’apparait. Le Ridbaz justifie la différence entre les deux textes de la façon suivante : « cette question a été posée dans le livre du Zohar… et ce que j’ai trouvé à répondre c’est qu’il n’y a pas besoin de placer de consolation dans le texte de ki tavo car la consolation est incluse dedans dans la mesure où il n’y a pas de verset qui ne comporte pas la mention du nom de Dieu (י–ה–ו–ה qui fait référence à la miséricorde). Cela nous fait savoir que l’attribut en question est celui de la miséricorde comme il est écrit (Iyov, chapitre 5 verset 18) : »il frappe et ses mains guérissent », et tu n’as pas de consolation plus grande que celle-là »
Sur cela, le Lev Arié (parachat vayélékh, lettre 1) écrit que le passage des malédictions fait référence au verset suivant (téhilim, chapitre 34, verset 20) : « רַבּוֹת, רָעוֹת צַדִּיק; וּמִכֻּלָּם, יַצִּילֶנּוּ יְהוָה Nombreux sont les maux du juste, mais de tous Hachem les débarrasse. » . Pour dire la chose suivante :
« רבּוֹת, רָעוֹת צַדִּיק Nombreux sont les maux du juste, » pour renvoyer aux malédictions formulées dans notre paracha, seulement « וּמִכֻּלָּם, יַצִּילֶנּוּ יְהוָה mais de tous Hachem les débarrasse. », car le nom d’Hachem est ce qui permet d’en échapper. D’ailleurs, le maître ajoute que dans ces malédictions, le nom י-ה-ו-ה qui fait référence à la miséricorde est présent à 26 reprises. Ce nom a lui-même pour valeur numérique 26. Ainsi, la somme de toutes les mentions du nom d’Hachem atteint 676 pour se placer en parfaite opposition avec le mot « רָעוֹת maux », dont la valeur numérique est 676, car c’est bien dans ce nom d’Hachem que nous trouvons la consolation.
Il est intéressant de noter qu’il existe une opinion divergente concernant le nombre de mentions du nom de Dieu dans notre section. La discussion ne se porte pas sur le recensement mais sur le moment où ce dernier doit prendre fin. Ainsi, du point de vue du Roké’ah (sur notre passage) il faut prolonger le compte des mots et inclure le verset suivant (chapitre 28, verset 69) :
אֵלֶּה דִבְרֵי הַבְּרִית אֲשֶׁר-צִוָּה יְהוָה אֶת-מֹשֶׁה
Ce sont là les termes du pacte qu’Hachem ordonna à Moïse.
Ainsi, nous trouvons une 27ème occurrence du nom d’Hachem. Cela élève la valeur numérique des noms d’Hachem à 702. Ce chiffre n’est pas anodin dans la mesure où il renvoie au chabbat (de par sa valeur) sur lequel il est dit « car il est la source de la bénédiction ». En ce sens Hachem insinue au cœur même des malédictions la source de la bénédiction afin de pouvoir transformer le mal en bien.
Le nom d’Hachem est donc le moyen de supprimer le mal et la rigueur afin d’être atteint par la miséricorde. Il est intéressant de noter que dans la première série de malédictions, le verset qui constitue la consolation contient le nom de » יעקב Yaakov » écrit de façon intégrale avec la lettre » ו vav » ce qui n’est pas le cas normalement. Sur cela, Rachi fait le commentaire suivant : « Le mot Yaakov est écrit cinq fois avec un vav et Éliyahou sans cette lettre. Yaakov a reçu en gage de Éliyahou, une des lettres de son nom, comme garantie qu’il viendra annoncer la délivrance de ses enfants. »
Le » ו vav » est donc le gage de sauvetage des bné-Israël. À ce titre, Rav Chmouël David Volkine écrit que pour cette même raison, nous trouvons dans les versets que nous avons cités, l’absence de la lettre »ו vav » dans le mot »וְהִשִּׂיגֻךָ et t’atteindront » qui aurait du être écrit »וְהִשִּׂיגוּךָ et t’atteindront ». Cela vient nous témoigner qu’en ce qui concerne la bénédiction qu »Hachem nous promet, Yaakov l’a prise en gage afin de l’empêcher de disparaître. Par contre, ce même mot est répété dans le contexte, cette fois, des malédictions et pourtant la lettre » ו vav » est présente, car dans ce contexte, il n’y a pas de gage. De sorte, les malédictions peuvent être non seulement annulées et transformées en bénédictions comme nous venons de le démontrer, mais plus encore, le statut de bénédiction est inaliénable et ne peut disparaître ! C’est à ce titre que le décret d’Ézra ne présente aucun risque. En lisant la paracha de ki tavo avant roch hachana nous parvenons à refouler les risques à l’année qui se termine. De sorte, nous dépassons les malédictions et évitons qu’elles nous frappent. Mais plus encore, ce procédé ne concerne que les malédictions et n’affecte pas le bien que contient cette section de la torah. Ainsi, la fin de l’année n’affecte pas les brakhot contenues dans notre paracha !
En partant de là, un parallèle étonnant se tisse entre les 49 malédictions de la paracha Bé’houkotaï et les 98 de la nôtre. Dans notre paracha, Hachem introduit Son nom afin de briser le mal et d’y insuffler la miséricorde. Toutefois qu’est-ce qui nous garantit l’accès aux bénédictions qui nous sont promises ? C’est justement Yaakov qui a saisi un gage afin de préserver l’application des bénédictions. Or, l’ensemble des malédictions formulées dans la torah atteint 147 (avec les 49 de Bé’houkotaï et les 98 de Ki tavo) ce qui correspond aux années de vie de Yaakov ! C’est pourquoi le ‘Hatam Sofer (drachot ‘hatam sofer, page 89, tour 1) écrit : « Nous avons reçu par transmission que les 147 années de Yaakov, nous protègent contre les 49 réprimandes de torat cohanim ainsi que des 98 de michné torah afin d’atteindre les 147… qui se transformeront en bénédictions grâce aux années de vie de Yaakov ».
La question qui peut se poser est le lien entre la vie de Yaakov et les malédictions des deux parachyot dont nous parlons ? Pourquoi Yaakov nous protège-t-il ?
Une réponse se trouve peut-être dans le fait que les malédictions représentent l’expression de la rigueur divine qui s’abat sur l’homme. Le Midrach Moshé (sur parachat vayé’hi) fait une remarque intéressante concernant les trois dernières parachyot de Béréchit. Il s’avère que le nom d’Hachem est absent de ces textes. Plus précisément, le nom qui fait référence à sa miséricorde. Lorsque la torah parle du Maître du monde, deux patronymes reviennent régulièrement « אלהים Dieu » et « יהוה Hachem ». Le premier renvoie à la rigueur divine, le second à la miséricorde. Et justement, les trois parachyot qui concluent le premier livre de la torah, ne contiennent aucune mention du second nom, si ce n’est le dernier verset que nous avons cité. Ceci est dû à la grandeur des personnages qui y figurent, qui sont capables de vivre en harmonie avec une rigueur extrême. Au point que cette rigueur fait l’objet d’une requête de Yaakov. En effet, lors du fameux rêve de l’échelle, Yaakov dit (Chapitre 28) :
:כ/ וַיִּדַּר יַעֲקֹב, נֶדֶר לֵאמֹר: אִם-יִהְיֶה אֱלֹהִים עִמָּדִי, וּשְׁמָרַנִי בַּדֶּרֶךְ הַזֶּה אֲשֶׁר אָנֹכִי הוֹלֵךְ, וְנָתַן-לִי לֶחֶם לֶאֱכֹל, וּבֶגֶד לִלְבֹּשׁ
20/Yaakov fit un vœu en disant : « Si Dieu sera avec moi et me protègera dans ce chemin où je vais et me donnera du pain pour manger et des vêtements pour me vêtir.
:כא/ וְשַׁבְתִּי בְשָׁלוֹם, אֶל-בֵּית אָבִי; וְהָיָה יְהוָה לִי, לֵאלֹהִים
21/ Et je reviendrai en paix vers la maison de mon père et Hachem sera pour moi Dieu ».
Sur les derniers mots, le Sforno commente : « alors Dieu sera pour moi un juge si je ne le sers pas de toutes mes forces… Je prends sur moi que dorénavant le Dieu miséricordieux soit pour moi « אלהים » (la rigueur) et se comporte envers moi avec l’attribut de rigueur ! ».
Yaakov a explicitement demandé à ce que sa vie ne soit encadrée que par la justice absolue, celle qui ne tolère pas la moindre défaillance. Il voulait que la rigueur s’applique à lui car il était parfaitement capable d’entrevoir la bonté divine même au travers de son aspect le plus dur. Ainsi, la mention du nom en rapport avec la miséricorde n’est pas compatible avec les dernières parachyot dans lesquelles, tous les membres cités sont intégrés et ne présentent plus aucune faute !
C’est peut-être pour cela que la vie de Yaakov est le bouclier contre ces malédictions. Car il est parvenu grâce à ses efforts personnels, à se hisser au niveau d’une vie de rigueur parfaite. À ce titre, il exprime parfaitement l’essence de la réalité divine et perçoit qu’en réalité, la miséricorde est absolue et seules nos défaillances nous font parfois voir les choses comme une expression de la rigueur. Étant devenu capable de déceler la miséricorde d’Hachem même lorsqu’elle semble être de la rigueur, il nous procure la possibilité d’apercevoir à notre tour cette réalité. C’est pourquoi, même dans la malédiction se glissent
des mentions du nom d’Hachem qui reflète la miséricorde. Plus encore, il assume dans sa vie l’expression de cette rigueur et nous procure une source de mérite qui atténue cette dernière !!
Yéhi ratsone que comme le dit la guémara, l’année se termine avec ses malédictions et qu’une nouvelle année débute, accompagnée de son lot de bénédictions amen véamen.
Chabbat chalom.
Y.M. Charbit
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