Parachat Ki Tétsé (5775) – Yéhouda Moshé Charbit
Parachat Ki Tétsé
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בס״ד
PARACHAT KI TÉTSÉ
La paracha ki tétsé énumère de nombreuses lois. En effet, soixante quatorze commandements de la Torah y sont cités. Ainsi, la Torah cite les lois concernant la guerre et les captifs, les lois d’héritage concernant les aînés, la règle à suivre pour le fils rebelle, l’obligation de rendre un objet perdu à son propriétaire, ou encore, l’obligation de protéger nos toits en y plaçant des barrières, ainsi que de nombreuses autres lois. Notre paracha, se conclut par la mitsvah de se souvenir de ce que nous a fait Amalek, en nous attaquant à notre sortie d’Égypte.
Dans le Chapitre 21 de Dévarim, la Torah dit :
:יח/ כִּי-יִהְיֶה לְאִישׁ, בֵּן סוֹרֵר וּמוֹרֶה–אֵינֶנּוּ שֹׁמֵעַ, בְּקוֹל אָבִיו וּבְקוֹל אִמּוֹ; וְיִסְּרוּ אֹתוֹ, וְלֹא יִשְׁמַע אֲלֵיהֶם
18/ Si un homme a un fils libertin et rebelle, sourd à la voix de son père comme à celle de sa mère, et qui, malgré leurs corrections, persiste à leur désobéir.
:יט/ וְתָפְשׂוּ בוֹ, אָבִיו וְאִמּוֹ; וְהוֹצִיאוּ אֹתוֹ אֶל-זִקְנֵי עִירוֹ, וְאֶל-שַׁעַר מְקֹמוֹ
19/ Son père et sa mère se saisiront de lui, le traduiront devant les anciens de sa ville, au tribunal de sa localité.
כ/ וְאָמְרוּ אֶל-זִקְנֵי עִירוֹ, בְּנֵנוּ זֶה סוֹרֵר וּמֹרֶה–אֵינֶנּוּ שֹׁמֵעַ, בְּקֹלֵנוּ; זוֹלֵל, וְסֹבֵא׃
20/ Et ils diront aux anciens de la ville: « Notre fils que voici est libertin et rebelle, n’obéit pas à notre voix, s’adonne à la débauche et à l’ivrognerie. »
:כא/ וּרְגָמֻהוּ כָּל-אַנְשֵׁי עִירוֹ בָאֲבָנִים, וָמֵת, וּבִעַרְתָּ הָרָע, מִקִּרְבֶּךָ; וְכָל-יִשְׂרָאֵל, יִשְׁמְעוּ וְיִרָאוּ
21/ Alors, tous les habitants de cette ville le feront mourir à coups de pierres, et tu extirperas ainsi le vice de chez toi; car tout Israël l’apprendra et sera saisi de crainte.
Notre paracha traite d’un cas extrêmement particulier et dur à comprendre, celui du « ben sorer oumoré », ce jeune garçon rebelle pour lequel la torah préconise la mise à mort. La torah applique ici un principe étonnant : ce jeune garçon ayant montré des signes particuliers, sera dans le futur amené à fauter. À ce titre, il est préférable qu’il meurt maintenant avant de transgresser la torah, de façon à ce qu’il quitte ce monde en tant que juste et non en tant que mécréant.
Il est intéressant de noter que les signes que doit montrer le jeune homme, ne sont en soit, pas répréhensibles de la peine capitale. Il s’agit en effet, d’un enfant âgé entre treize ans et treize ans et trois mois, qui aurait volé de l’argent à son père afin de s’acheter de la viande et du vin qu’il consommera en dehors de la ville. Plus encore, cette viande mi-cuite devra être consommée à mesure d’un poids de cinquante dinar d’un coup et il devra boire un demi log de vin d’un trait à la manière d’un glouton. Dans les cas énumérés, seul le vol est une transgression mais sa sentence n’est pas la mort. Malgré tout, la torah affirme que cet individu sera plus tard un racha et qu’il doit mourir maintenant. C’est le seul cas de la torah où une personne est sanctionnée pour une faute qu’elle n’a pas commise et c’est toute la surprise de ce passage de la torah. Pourquoi tant de rigueur envers un jeune homme ? Pourquoi avoir agi de la sorte est-il si grave ? Quelle est la vraie nature du ben sorer oumoré pour ne pas mériter la vie et l’espoir de bien se comporter ?
Bien évidemment, lire ce passage de façon superficielle serait stupide et nos sages se sont penchés sur l’explication détaillée du sujet afin de nous apporter le message qui se cache derrière ce sujet délicat.
À ce sujet, une question très connue qui est d’ailleurs soulevée par le Réém va nous permettre d’amorcer une réflexion. Lorsque Sarah a enfanté son fils Yitshak, elle a enjoint Avraham à chasser Agar et son fils Yichmaël. Elle était inspirée de prophétie se rendant compte que Yitshak et Yichmaël ne pourrait cohabiter ensemble. Lors de son départ, la torah raconte que les ressources en eaux de Agar se sont épuisées et qu’Yichmaël se trouvait au bord de la mort. C’est alors que Dieu accomplit un miracle et dévoile un puits pour étancher leur soif. Le traité Roch Hachana (page 16b) nous décrit le débat entre le Maître du monde et sa cour au moment de la réalisation de ce miracle :
« Maître du monde, celui dont la descendance va tuer Tes fils par la soif, Tu fais s’élever pour lui un puits ?! Hachem leur répond alors : Maintenant qu’est-il ? Un juste ou un racha ? Ils lui dirent : un juste ! Dieu reprend alors la parole et dit : d’après ses actions du moment Je le juge. »
Nos sages nous dévoilent ici un cas où l’attitude d’Hakadoch Baroukh Hou est l’exact opposé de celle qu’Il adopte pour le ben sorer oumoré, pour lequel, nous jugeons en fonction de ses actes futurs et non des présents. Qu’est-ce-qui justifie cette différence ?
Le Maharal de Prague (gour arié, dévarim, chapitre 21, verset 18) apporte une distinction entre les deux cas. Dans le cas d’Yichmaël, c’est le tribunal céleste qui a fait le jugement, tandis que le ben sorer oumoré est confié aux mains des hommes. Ainsi, lorsqu’Hachem juge, Il le fait en fonction de l’instant, c’est pourquoi, Yichmaël qui n’avait pas encore fauté devait vivre. Par contre, lorsque les hommes délibèrent, ils le font en fonction du futur ce qui justifie que le ben sorer oumoré, dont l’avenir le mènera à la faute, doive mourir dès maintenant.
La réponse apportée par le Maharal de Prague nous conduit à poser deux questions extrêmement importantes. Il s’agit en premier lieu de rappeler un commentaire de Rachi (Béréchit, chapitre 21, verset 9) qui précise les motivations de Sarah dans son désir de renvoyer Yichmaël. En effet, il semblerait que ce dernier était en fait un très mauvais exemple dans la mesure où il commettait des actes d’idolâtries, de débauches, de meurtres en tentant de tuer Yitshak afin de se réserver l’héritage d’Avraham. Dès lors, les propos du midrach paraissent obscurs puisque la raison de la survie d’Yichmaël provient de sa prétendue bonne attitude… .
Plus encore, au vu de l’enseignement du Maharal, le tribunal céleste juge en fonction de l’instant présent tandis que le tribunal terrestre juge en prenant compte de l’avenir. Ceci paraît extrêmement surprenant car à l’inverse des hommes, le tribunal céleste connaît l’avenir et sait si oui ou non la personne fautera, tandis que sur terre une telle appréciation est impossible. Pourquoi alors, le tribunal qui est chargé de certitude ne se permet pas de juger vers l’avenir, tandis que celui qui est accompagné du doute se voit charger d’une telle attribution ?
Rav Chamaï Gainsbourg écrit une chose extraordinaire à ce propos. La suite des événements nous apprend qu’Yichmaël s’est repenti à la fin de sa vie. Dès lors, il apparaît qu’Hachem aussi a jugé en fonction de la fin et non de l’instant présent et l’a sauvé en vertu de l’avenir glorieux de sa téchouva !
Au vu de tout ce que nous avons avancé, apparaît la nécessité de tenter de comprendre plus en avant les propos du Maharal de Prague.
À ce niveau, il convient d’établir une distinction importante, celle entre le fauteur et la personne foncièrement mauvaise. La faute concerne tous les hommes, tout être humain trébuche et commet des erreurs au court de sa vie. De ce fait, il arrive souvent que des personnes s’éloignent fortement de la torah et de sa pratique au point de ne plus ressembler à des juifs, malheureusement. Toutefois, il ne s’agit pas nécessairement de mauvais individus, ils sont simplement faibles, mais dans leur essence, ils ne renient pas la torah ni l’existence de Dieu. À cela s’opposent les personnes ayant des mauvaises midot (traits de caractère) qui ont le mal profondément ancré en eux. Ces personnes s’opposent frontalement au bien et donc à la torah qui le représente. Une conséquence fondamentale sépare les deux catégories : la première à l’espoir de faire téchouva tandis que la seconde n’en a aucun. En effet, même un fauteur qui a un bon fond peut un jour se reconnecter à sa source. Par contre, celui qui dans son essence profonde cache le mal, ne peut prétendre à un tel avenir.
C’est sur cette notion peut-être, que le Maharal intervient. Une personne comme Yichmaël, bien que fauteur, dispose toutefois d’un fond appréciable. À ce titre, il a l’espoir de pouvoir faire téchouva et ses fautes actuelles sont mises en suspend afin de lui accorder le temps du repentir. Lorsqu’il affirme que le tribunal céleste juge selon les actes actuels et non futur, cela concerne nécessairement un jugement en vertu des midot et non des actes, sans quoi Yichmaël serait mort ! Ce qu’Hachem a jugé c’est sa capacité actuelle à se repentir ! À contrario, le cas du sorer oumoré s’inscrit dans une logique totalement opposée. Lui n’a pas fauté mais fautera ! Hachem accorde à l’homme des signes qui prouvent que son essence est mauvaise, pleine de désirs matériels. Une telle personne est amenée dans l’avenir à s’éloigner de la torah et à se rebeller : il est déjà opposé à ses parents ! Comme son destin n’est pas compatible avec la soumission requise pour la téchouva, il lui est préférable de quitter ce monde avant de devenir complètement rebelle has véchalom.
Toutefois, un dernier point reste à éclaircir : comment un tel personnage peut-il exister ? La logique que nous venons de développer sous-tend que cet individu est foncièrement mauvais, le mal est enfoui si radicalement en lui qu’il n’a d’espoir de repentir ! Nous en sommes tellement sûrs que nous devons le mettre à mort, c’est dire combien ce jeune homme est bloqué dans sa possibilité d’agir positivement ! En somme, il perd son libre-arbitre ! Dès lors pourquoi existe t-il ? D’où provient une telle âme ?
Pour comprendre cela, il faut se référer au propos du Zohar (Vayikra, page 24a) : « quiconque épouse cette femme (une yéfat toar) parce qu’il la désire, finira par faire sortir d’elle un enfant ben sorer oumoré. Pour quelle raison ? Parce que le poison n’a pas encore été extrait de lui. »
Ceci est la conséquence de ce que nous expliquions dans le dvar torah sur la yéfat toar (cf dvar torah ki tétsé 5774). En effet nous y expliquions que l’objectif de la torah en demandant de se marier avec une captive de guerre était d’accorder à l’homme en question le pouvoir de repérer certaines néchamot captives des forces du mal en conséquence de la faute d’Adam Harichone. Ainsi, le Or Ha’hayim expliquait que par ce procédé, la néchama pure était extraite des forces du mal. Les propos du Or Ha’hayim suivent ceux du Arizal tels qu’apportés par le Chaar Bat Rabim sur notre paracha. De là, il explique que lorsque nos sages enseignent que celui qui épouse une yéfat toah aura un enfant ben sorer oumoré, il ne s’agit pas d’une sanction. Car, dans les faits, se marier avec cette femme était une mitsvah et il ne peut exister de sanction pour cet acte. La réalité est qu’en s’unissant avec cette femme, il parvient à séparer le mélange positif et négatif qui subsistait dans cette âme. Dès lors, le ben sorer oumoré et le substrat négatif issu du mélange de la néchama de sa mère. C’est pour cela qu’au plus profond de lui, il est si mauvais. Il ne s’agit pas d’un fauteur, mais d’une personne qui ne peut que fauter et n’a pas l’espoir du repentir ! Ainsi, l’attitude de mise à mort de la torah, qui pouvait sembler atroce, se comprend finalement sous un autre angle. Par ce procédé, Dieu accorde au mal le moyen de ne pas s’exprimer : « il meurt alors qu’il est encore méritant », ceci constitue la purge ultime d’une néchama, la dégage totalement de l’attrait négatif qui la contaminait.
Cela nous donne une image très évocatrice du comportement d’Hachem vis-à-vis de nous. Hakadoch Baroukh Hou ne nous juge pas uniquement sur nos actes de sorte que le juste vive et le mécréant périsse. Son attitude est beaucoup plus noble et chargée de miséricorde : tant qu’il existe pour la personne un espoir de repentir, Hachem le juge positivement, Il lui accorde le temps de la téchouva. À l’approche du jugement ultime, tout le peuple juif est chargé d’une seule mission celle de regretter ses mauvaises actions et de se munir de tous les efforts possibles. C’est durant des périodes comme celles-ci que nous prouvons combien Hachem a raison de nous laisser une chance. Il convient alors de ne pas gâcher une telle opportunité ! Tout juif doit prouver qu’au fond de lui se cache le bien, et qu’il est capable de l’exprimer. C’est alors que nous serons jugés favorablement et qu’Hakadoch Baroukh Hou nous bénira dans tous nos accomplissements amen ken yéhi ratsone.
Chabbat chalom.