Règles de la bénédiction de shéhé’héyanou – Rav David Pitoun
Shéhé’héyanou
Cours audio d’environ une heure et 10 minutes
La Guemara (Talmud) Bérakhot daf נ »ד 54 dit
קנה כלים חדשים אומר ברוך שהחיינו וקיימנו והגיענו לזמן הזה
Lorsque l’on fait l’acquisition de nouveaux habits on doit réciter la bénédiction de Shehé’héyanou.
La Guémara ne précise pas si la récitation de cette bérakha doit avoir lieu au moment de l’acquisition ou au moment de porter le vêtement pour la première fois.
Cela fait l’objet d’une discussion entre les Rishonim (décisionnaires médiévaux),
Le Rachba dans son commentaire sur la Guémara Bérakhot dit qu’il faut réciter la bénédiction au moment de l’acquisition, en effet cet achat procure de la joie à la personne qui l’a acquise, or la bénédiction de shéhé’héyanou est une bénédiction de joie où l’on remercie Hashem de nous faire « vivre et exister afin d’arriver à cet instant précis ». Le Raavad tranche comme le Rachba.
Le RITVA n’est pas d’accord et dit que la joie extrême ne s’exprime qu’au moment où la personne revêt le vêtement pour la première fois et ce sera ainsi le meilleur moment pour réciter cette bérakha de joie.
La majorité de Rishonim tranchent comme le Rachba et le Raavad (notamment le Raa, le Méiri, le Rosh et d’autres) qu’il faut faire la bénédiction au moment de l’acquisition et le Shoulkhan Aroukh a donc suivi la majorité au chapitre 223 §4.
Par la suite, de nombreux A’haronim [décisionnaires postérieurs au Shoul’han Aroukh] contestent cette décision et attestent que l’usage est de réciter la bénédiction de shéhé’héyanou au moment où l’on porte le vêtement pour la première fois (comme le Maamar Mordékhay par exemple)
Sur quoi se basent-ils ? Comment peuvent-ils contester l’avis de la grande majorité des Rishonim ?
Dans la Guemara Erouvin il est écrit au sujet de la bénédiction de shéhé’héyanou sur les nouveaux fruits, que celle-ci doit être prononcée au moment où l’on voit le nouveau fruit sur l’arbre et non au moment où on le mange pour la première fois.
Malgré cet écrit, plusieurs Rishonims (le Rosh, Rabbénou Yérouham, Maaram Mirottenbourg…) disent que l’on doit réciter la bérakha de shéhé’héyanou au moment de la consommation et non à la vue des fruits sur l’arbre. A ce sujet Maran [Rabbi Yossef Caro, l’auteur du Shoul’han Aroukh] rapporte au Chapitre 225 paragraphe 3, que nous devrions respecter les dires de la Guemara au sujet de la bénédiction de shéhé’héyanou sur les fruits mais que l’usage le plus répandu dans le monde est de réciter la bénédiction au moment de la consommation du nouveau fruit.
Certains A’haronim déduisent que puisque la berakha a été remplacée du moment de la vision du fruit sur l’arbre au moment de la consommation du nouveau fruit, on fera de même avec les vêtements et on récitera la bénédiction au moment de le porter et non au moment de l’acheter. Et tel est l’usage.
Comment s’est-on permis de changer la halakha selon la coutume (Minhag) ?
Le Hida explique qu’à l’époque de la Guémara, la nature humaine était différente de celle d’aujourd’hui, les gens étaient beaucoup plus sensibles au point qu’à la seule vue des nouveaux fruits qui poussaient sur l’arbre cela leur procurait une joie intense et ainsi ils étaient à même de réciter la bérakha de shéhé’héyanou. Ce qui n’est pas le cas de notre époque, dit le Hida, la sensibilité humaine a changé et plus personne ne ressent de joie à la vision d’un nouveau fruit sur un arbre.
Il en est de même pour les vêtements, souvent on l’emmène en retouche avant de le porter ou on change d’avis et le rapporte au magasin, mais on ressent cette joie au moment de le porter et c’est donc à ce moment qu’il est approprié de réciter la bénédiction de shéhé’héyanou. C’est pour cette raison que le Minhag a changé.
C’est ainsi que tranchent sur la question le Maamar Mordékhay, le ‘Hessed Laalafime, le Ben Ish ‘hay et le Rav Ovadia Yossef (Zatsal) dans ‘Hazon Ovadia Bérakhot page 402.
Essayer un habit ne justifie pas la bénédiction de Shéhé’héyanou.
En conclusion, que ce soit pour le fruit ou les vêtements nous faisons la bénédiction de Shéhé’héyanou au moment de la consommation (du fruit de la nouvelle récolte) où au moment où on porte pour la première fois un vêtement.
Si plusieurs fruits nouveaux sont présents une seule bénédiction de Shéhé’héyanou acquitte tous ces fruits.
Sur quel genre de vêtements doit-on faire la berakha ?
Etant donné que c’est une Bérakha de joie, à travers laquelle nous exprimons une joie, il est évident que cette berakha doit être récitée sur un vetement qui nous rend heureux de le porter. Pour la personne c’est un beau vêtement (pas forcément cher), qui rend content. Si la personne est indifférente, il n’y a pas de bénédiction, et donc elle ne pourra pas faire la bénédiction.
Les Tossafoth dans le Talmud Bérakhot page נ »ט (59) font une déduction de cela et excluent une catégorie de vêtements comme le linge de corps : chaussettes, T-shirt, tricots, les chaussures…Le Mordékhi, le Raa et le Ritva rapportent ce din au nom des Tossafoth et tranchent comme eux.
Mais le Rosh les contredit, en effet, certaines personnes sont si pauvres que lorsqu’elles achètent du linge de corps cela leur procure autant de satisfaction que si un riche s’achetait le plus beau des vêtements. Et donc cette personne peut faire la bénédiction.
Le Rosh apporte une preuve de la Guémara de Nédarim. La Guemara raconte au sujet de Rabbi Yehouda bar Ilay, qui était très pauvre, il avait un manteau entièrement déchiré mais qui étais à ses yeux aussi précieux que le manteau luxueux d’un homme riche. Le Rosh explique que donc une personne peut attacher une grande importance à quelque chose de faible valeur. Le Rosh permet donc à toute personne à qui l’acquisition et le port d’un habit procure de la joie même si c’est du linge de corps de faire la bérakha de shéhé’héyanou dessus ; le Tour (fils du Rosh) et Rabbi David Aboudraham (élève du Rosh) tranchent de la même manière. Il y a donc ma’hloket (débat) sur le sujet.
Le Radbaz explique qu’il n’y a aucune ma’hloket puisqu’ils ne parlent pas du même type d’individu, l’un parle de quelqu’un pour qui s’acheter du linge de corps est dans ses moyens et à qui cela ne procure aucun plaisir et l’autre parle de quelqu’un très pauvre pour qui s’acheter du linge de corps est très important et éprouve du plaisir à le porter. D’après lui, Tossafoth seraient d’accord qu’un tel individu très pauvre devrait dire la bénédiction de shéhé’héyanou.
Mais le Méiri (qui est un Rishon) considère qu’il y a effectivement une discussion entre le Rosh et Tossafoth.
Maran tranche et dit qu’on ne récite pas de berakha sur le linge de corps (selon le principe que s’il y a un doute sur le besoin de réciter une bénédiction on s’abstient). Maran considère donc qu’il y a ma’hloket. On ne récite également pas cette bénédiction sur des chaussures qui ne sont pas qualifiées de vêtement.
Question du public : une femme fait-elle la bénédiction shéhé’héyanou sur un beau jean ?
Réponse : il est interdit de porter un pantalon pour une femme, mais c’est permis de le porter à la maison. Donc elle fera la bénédiction. Nous devons préciser que le pantalon pour une femme n’est permis que s’il s’agit d’un pantalon pour femme et uniquement à la maison ou dans l’intimité.
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